Autant j’étais resté un peu sceptique sur le premier titre que j’ai lu de cette collection (Ingrid Desjours), autant celui-là m’a laissé une excellente impression. Je vous détaille ça… Gesine a eu une famille : des parents, une sœur, un mari, un fils… « a eu » parce que le dernier cité est mort et qu’elle a perdu tout contact avec les autres depuis 10 ans, suite au décès accidentel de son fils qui s’est empoisonné chez elle avec une décoction préparée avec de l’aconit alors qu’il était sous la surveillance de sa sœur, Mariecke. Dix ans plus tard, Gesine mène une vie précaire et travaille dans une entreprise de pompe funèbre. Jusqu’au jour où le passé resurgit violemment quand elle se rend compte que les couronnes de fleurs qu’elle est sur le point de livrer sont pour l’enterrement de sa sœur, dont la mort accidentelle, écrasée sous un train, est suspecte. A partir de là Gesine devient le principal suspect et va tout faire pour s’en sortir. Annette Wieners n’a plus rien à apprendre pour construire une intrigue dans laquelle on retrouve tous les ingrédients à succès du genre mais parfaitement agencés. La liste des suspects s’allonge allègrement au fur et à mesure que l’enquête de la police avance et qu’Annette Wieners nous en apprend davantage sur leurs caractères ou leurs passés. A ce titre, le père de Gesine, patriarche qui tente par tous les moyens à dix années d’intervalle de protéger la réputation de sa famille, Klaus, l’ancien mari absent mais dont l’ombre plane, Braumüller, l’étrange soutient psychologique dont a bénéficié la sœur de Gesine, Lasse, l’ancien collègue de Gesine dans la police qui cherche par tous les moyens à mettre fin à l’enquête sur la mort de Marieke tout comme dix ans plus tôt il a rapidement enterré le dossier concernant la mort de Philipp, voir les jumelles de Mariecke, Marta et Frida qui pourraient passer pour des petites filles mentalement dérangées ou perverses, sont autant de personnages centraux qui gravitent autour de Gesine. Annette Wieners parvient à maintenir un doute certain dans l’esprit du lecteur jusqu’au dénuement. Le personnage de Gesine est également particulièrement réussi par Annette Wieners. En rupture avec tout ce qui peut se rapporter à son passé et au traumatisme de la mort de Philipp, son fils alors âgé de 2 ans ½, Gesine passe par tous les sentiments : haine envers les potentiels responsables de la mort de son fils, culpabilité de ne pas avoir été plus présente. Gesine est une victime autant qu’une coupable et à ce titre elle n’arrive à rien construire depuis dix ans. Vivant dans un camping-car, incapable de se lier amicalement ou sentimentalement, elle est un petit animal effarouché qu’on ne peut pas approcher de trop près, qu’on peut à peine fréquenter. Ce caractère d’indépendance et de méfiance vis-à -vis de tout et de tout le monde ne favorisera pas ses relations avec son ancien collègue ou Marina, chargée de l’enquête sur la mort de sa sœur. Ajoutez à cela quelques scènes « mémoire » du jour de la mort de Philipp, la passion psychotique développée par Gesine pour les plantes empoisonnées, un style particulièrement efficace, une histoire intelligemment construite, vous avez tous les ingrédients d’un thriller réussi, sans effusions de sangs, sans recours à la monstruosité ou la férocité d’un serial-killer mais basé sur un mélange détonnant des sentiments humains : la peur, la jalousie, l’auto-protection, la suspiscion, le remord, le regret. A recommander pour vos nuits d’insomnie.