Il suffirait de presque rien, peut-être quelques pages de plus, pour qu’un gros chagrin nous étreigne en parcourant ce petit récit. Elle a devant elle toute une vie à construire, alors que la sienne est déjà presque entièrement derrière lui. Leur amitié les conduit dix années durant au théâtre, à l’opéra, au marché, dans les lieux grouillant de vie, car leur relation n’est pas faite d’intimité ni de confidences. Il la guide, et la suit aussi parfois, dans l’univers artistique auquel elle se destine. Elle est la petite-fille et toute la famille qu’il n’aura jamais eue. Mais il faut bien que les enfants grandissent et suivent un jour ou l’autre leurs passions. Ils ne nous oublient pas, envoient des cartes ou des photos :«regardez bien. Cette ombre derrière moi, c’est vous. Elle m’accompagnera jusqu’au bout », lui écrit-elle de l’autre côté du monde. Il faudrait être bien misérable pour s’affliger du temps qui passe, surtout lorsqu’il est si joliment raconté. Mais quand même, en quittant le marché d’Aligre, on a un peu, comme dans la chanson, le sourire qui vire à l’eau et qui chavire.
