A chaque jour suffit son crime. Depuis son apparition en 2012, la psychologue Frieda Klein, imaginée par Nicci French, alias le couple Nicci Gerrard – Sean French, a déjà traversé quatre dures épreuves, survenues successivement du lundi au jeudi. La fin de semaine arrive et se révèle impitoyable pour cette belle personne, complexe et visionnaire, dont le caractère entier constitue l’intérêt premier d’une saga policière à part. C’est un vendredi, en effet, qu’on découvre le corps de Sandy, son ex, flottant dans la Tamise, la gorge tranchée. Il n’était qu’un amoureux distant, qu’elle avait fini par rejeter sèchement, incapable qu’elle est de s’engager. Mais tout second rôle qu’il fût, c’est un gros sacrifice que les auteurs imposent à leur créature juste pour muscler l’intrigue. On a vu des romanciers supprimer un personnage récurrent par lassitude, parce qu’il les menait à l’impasse. Ici, c’est plutôt pour créer du désordre que Nicci French fait mourir cet élégant quadra prof de fac, après l’avoir baladé des deux côtés de l’Atlantique quatre épisodes durant. Créer du désordre et raconter ce qui en découle. Tout accuse en effet Frieda du meurtre de son ancien amant. Leur passé mouvementé, jusqu’à la dispute de rupture, mais aussi des indices que les policiers trouvent chez elle. Pour échapper à l’inculpation, elle largue tout. Accro au confort de son petit intérieur, à ses marches nocturnes dans Londres assoupi, à ses séances de dessin réparatrices, la voilà réduite à dormir dans des squats, à changer son apparence, à se couper de ses amis. Privée de ses repères, elle perd de sa lucidité. Pour retrouver le fil, il lui faut faire son autocritique autant que son deuil, ouvrir des placards et des courriers intimes. En exhumant les secrets du mort, elle va retomber durement sur terre. Frieda ne voit pas tout, ne sait pas tout. Ce « Cruel vendredi » quasi initiatique nous la rend abîmée mais plus lucide sur elle-même. Prête à attaquer ce samedi et ce dimanche où la guette Dean Reeve, son ange gardien psychopathe, toujours dans l’ombre.