« Les Grandes Plaines peuvent causer un genre de vertige horizontal ». Sensation qui saisit le lecteur au fur et à mesure qu’il tourne les pages de cet album. Nous sommes au 19e siècle en Amérique du Nord, un photographe accompagne un géologue dans une mission de reconnaissance, un troisième larron fait office de domestique. Le trio déambule au milieu de paysages sans limite d’horizon, sauvages, et peuplés d’Indiens.
Le bel Oscar Forrest est un esthète en fuite à la suite d’une histoire d’escroquerie à l’image. Préfigurant le logiciel Photoshop, quelques manipulations techniques lui ont permis d’insérer le portrait de personnes décédées aux côtés de vivants. En créant l’illusion, il a ainsi berné ses clients. Stingley incarne un géologue aux visées entrepreneuriales très affirmées. De la topographie au relevé démographique parmi les autochtones, ces informations lui permettent de programmer un futur aussi rationnel qu’il sera parfait. Il est fruste, célibataire, machiste et sévère. Quant au troisième protagoniste, il se promène dans les grands espaces sans que l’on sache réellement qui il est, du moins au départ, puisque le scénario le révèle chemin faisant. Aux marges du récit, un personnage énigmatique se promène. Rappelant « Angel Face », le fameux tueur à gages au visage défiguré de la série « Blueberry », il alimente en mystère une trame qui s’inscrit tout de même dans le genre western. En effet, les Comanches sont encore là. Ils apparaissent en arrière-plan, oscillant entre un chaman ésotérique et un peuple bafoué.
Reprenant les codes du genre, la scénariste Loo Hui Phang délivre une vision du western tourné vers le fantastique. Frederik Peeters s’est déjà frotté au paranormal avec l’excellent « Lupus » ou la récente série « Aâma ». En revanche, si les mythes de l’Ouest sont délaissés, à la fin, ce sont toujours les Indiens qui perdent.