Il était un patron d’envergure exceptionnelle, homme singulier et attachant, loin des figures stéréotypées composant une bonne partie du patronat français. Raconter qui était Christophe de Margerie, le pdg de Total décédé dans de bien étranges circonstances, lui restituer son humanité, relater son parcours atypique n’est pas le moindre talent de Muriel Boselli.
La journaliste indépendante, qui couvrait le secteur énergie de l’agence de presse Reuters, signe, avec ce premier livre, une enquête de haut vol. Ses investigations menées pendant dix-huit mois -soutenue par sa maison d’éditions (Robert-Laffont)- donnent à découvrir, réfléchir, s’interroger, s’émouvoir, s’agacer aussi de ce fait divers aux relents de complot.
Le texte, excessivement bien documenté, se lit parfois comme une enquête policière, parfois comme une biographie enrichie de données économiques contemporaines. Margerie émeut, lui qui incarne une histoire de réussite à la française dont le public est friand. Qui sait quelle trajectoire il aurait pu avoir sans ce tragique « accident » ?
Ce 20 octobre 2014, sur une piste d’aéroport à Moscou, l’avion dans lequel se trouve le magnat du pétrole français heurte une déneigeuse. Ce crash fait également d’autres victimes ( pilote,co-pilote, hôtesse) et Muriel Boselli s’attache aussi à restituer un peu des vies de ces anonymes.
Qui était de Margerie ? Un drôle de zèbre, « aux chaussettes trouées » qui aimait porter une paire de mocassins à pompon, démodée, mais héritage auquel il tenait, lui l’enfant abandonné par un père qui avait peu la fibre paternelle. Un insomniaque, grand amateur de whisky à la vie trépidante.
Ses funérailles, dignes d’un chef d’état seront suivies d’une période de dilution progressive dans les médias… L’opacité de l’enquête -tant en Russie qu’en France-, les attendus et rendus de la justice feraient à coup sûr un scénario de film passionnant… L’énigme Margerie, elle, n’est pas encore résolue.