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De la difficulté de s’exprimerSara est de ces jeunes femmes dans laquelle se reconnaîtront les presque trentenaires qui ont du mal à s’affirmer, professionnellement, intellectuellement ou même sentimentalement. A la peine pour boucler son parcours universitaire, peu sûre d’elle depuis une rupture amoureuse, hésitante et poreuse à la moindre pression extérieure, elle ne manque cependant pas de discernement : « J’étais en quatrième année de thèse (…) je ne sais pas si j’aurais jamais réalisé à quel point les gens sont viscéralement incapables de penser autrement qu’en termes de réussite et d’échec (…). J’étais dégoûtée d’être autant affectée par leurs attentes. J’étais encore plus honteuse de ne pas savoir refuser leur soutien. » C’est dans cet état d’esprit flottant qui la caractérise que Sara arrive dans la maison de campagne d’un de ses amis où une bande de copains proches doit passer un week-end. L’amant qui l’avait quittée sera là. Tour à tour attachante et agaçante -dans son incapacité à prendre les choses en main, à décider pleinement pour elle par crainte de heurter la sensibilité de l’autre-, Sara va traverser ces « deux jours de vertige » en tentant de retrouver un semblant d’équilibre intérieur. Eveline Mailhot, dont c’est le premier roman après un recueil de nouvelles remarqué (« L’amour au Cinéma » aux éditions les Allusifs) se fait entomologiste des pensées de son personnage central. Etats d’âme, sentiments, réflexions personnelles : tout est analysé, décrit, partagé : « je m’effritais devant chaque personne à qui je me présentais (…) chaque chapitre de ma thèse m’enfonçait plus profondément dans l’imposture de la reformulation (…). J’étais de plus en plus persuadée que c’était cette lâcheté qui me rendait malheureuse. » Alex, Félicie, Valérie, Etienne, Hugo l’ex petit ami et Gabriel sont les autres protagonistes de cette histoire d’éternels étudiants, de jeunes couples qui s’installent dans une relation en se demandant (parfois) si l’autre est « la bonne personne ». Sara, qui semble n’exister réellement que dans les attentions et sentiments de l’autre, est assurément un personnage atypique.
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L’âge difficile…
Si vous aimez le cinéma de Rohmer alors, ce livre est pour vous ! Les autres, abstenez-vous : votre poil risque de se hérisser et vos allergies de refaire surface. Une bande de jeunes adultes se retrouvent dans une maison de campagne appartenant aux parents de l’un d’eux afin de fêter l’anniversaire de leur amie Félicie. Ils y resteront deux jours à discuter, s’observer, boire, manger…plus quelques activités annexes. C’est tout ? Oui, c’est tout ! Et pourtant, j’avoue que je n’ai pas lâché le roman. Bon, c’est vrai, j’aime beaucoup Rohmer et je crois que c’est un livre qu’il aurait aimé adapter au cinéma. La narratrice Sara est en quatrième année de thèse mais elle veut tout plaquer : « j’avais décidé de tout arrêter pour ouvrir un bar. Ou pour vendre des fleurs. ». On sent quelqu’un d’assez tourmenté, un peu perdu. Elle a vingt-neuf ans, l’âge où il faut se décider : quel métier, quelle vie, quel conjoint, quel endroit ? Pas simple en effet. Tout est à construire, à créer, à mettre en place. Et pour combien de temps ? Quand on y pense, ce ne sont pas les années les plus faciles de la vie : trop de décisions à prendre ! La voiture de Félicie et d’Alex arrive enfin. Ils semblent contrariés. Ça commence bien ! Sara apprend qu’en plus des copains prévus, Valérie et Gabriel, il y aurait Etienne et Hugo. Hugo Forest, celui qui l’a quittée il y a quelques années, la plongeant dans une douleur insondable. Partagée entre l’appréhension de le revoir et la curiosité de le redécouvrir, elle se sent en miettes, s’interroge inlassablement sur son comportement et celui des autres, observe le moindre déplacement, analyse dans le détail des propos qui pourraient paraître parfaitement insignifiants, cherchant à comprendre qui elle est vraiment et qui sont ces gens qu’elle nomme ses amis. Tout est décortiqué, passé à la moulinette : telle intonation, tel rire, tel sous-entendu, tel soupir. L’alcool aidant, les pensées s’emballent, le mal-être aussi. S’installe comme une impression de vacuité : « J’avais l’impression qu’on parlait autour de quelque chose et qu’on riait à l’écho de nos propres répliques. » Faut-il être sincère ? Peut-on cacher ses émotions ? « Je taisais ce que je pensais la moitié du temps et j’édulcorais le reste. » Pas faciles les relations humaines surtout quand on est très sensible comme l’est Sara : « Il n’y avait sans doute que moi qui traînais les marques du moindre tressaillement pendant des années. » Certains ont recours à l’hypocrisie ou au mensonge, a-t-on le choix ? « Les gens dansent parfois ensemble. Mais personne ne pense à personne. » Doit-on faire semblant d’aimer, semblant d’être heureux, semblant d’être tout court ? Questions qui donnent le vertige, qui font douter… Au-dessus d’un petit groupe parti en promenade, semble planer comme une menace incarnée par des rapaces qui volent dans les airs, inquiétant fortement les jeunes filles. D’ailleurs, les cadavres d’animaux pullulent dans l’oeuvre jetant sur cette jeunesse l’ombre de la mort ou en tout cas, l’idée qu’ils ne vont pas s’en sortir comme ça. Mauvais présage en tout cas. Un roman peut-être pas si léger qu’il en a l’air… Retrouvez lucia lilas sur son blog |
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