Hiver 56, un hiver redoutable, Anna est séparée de son enfance, arrachée à son Liban, au soleil, à son alter ego Fabio et débarque dans une petite ville de Provence. Le père, français, se dit heureux de revenir dans son pays, pourtant, il ne sourit plus guère. Anna connait la solitude, « Les moqueries de la première année avaient cessé. Pourtant, elle sentait bien, même si on ne le lui disait plus, qu’il y avait une distance qu’elle s’était résignée à ne plus franchir ». Petit à petit, elle part à la découverte la ville haute et de ses passages secrets. Un jour, au retour de l’école, perdue, elle pénètre dans la maison d’un vieux monsieur, Pierre, dont la vie n’est plus qu’ennui et solitude. Cette rencontre fortuite va faire remonter le passé douloureux de Pierre. Ils ont beaucoup de points communs ces deux-là et ils le sentent confusément dès leur première rencontre, même si Anna a décelé dans les yeux du vieil homme la peur « Le plus étrange, dans ce regard, c’était la peur. De cela, elle était sûre. ». Par la grâce du roman, ces deux personnages vont se recroiser, se côtoyer. Anna et Pierre partagent la perte de l’ami d’enfance, dont ils ont été séparés brutalement, Anouche pour le vieil homme et Fabio pour Anna. Pour Pierre, elle est la résurgence de sa tendre Anouche. Après cette rencontre, il ose regarder les papiers de son père et comprend ce qui s’est exactement passé alors qu’il n’était qu’un enfant. Le passé, enfin, révélé d’Anouche montre l’horreur de ce qu’ont vécu les Arméniens (je crains de voir ressurgir cette barbarie dans un futur proche.) Eliane Serdan parle avec des mots simples, des phrases délicates, touchantes, de l’exil, du génocide arménien de 1915. Petit à petit, elle passe d’un passé flou à l’écrasante vérité d’où jaillit l’espoir et la chaleur pour Anna, qui accepte que son exil soit définitif.