La rédaction l'a lu
Auto-psy de la famille
L’Urbex, abréviation de Urban Exploration est une discipline qui consiste à visiter, explorer des sites en ruines et à immortaliser en photos, en mots ou en musique ce patrimoine abandonné. C’est à cet exercice et de façon éminemment littéraire que se livre Sara Stridsberg dans son dernier roman entre pénombre et lumière. Sa mélancolie des ruines se déploie sur celles de Beckomberga, l’un des plus grands hôpitaux psychiatriques d’Europe situé près de Stockholm. Il a ouvert ses portes en 1931 pour les refermer en 1995. Dans cet édifice magnifique et imposant dénommé le « Château des toqués » avait été imaginée une utopie de la psychiatrie visant à libérer les fous de leur statut de laissés-pour-compte et les « sortir dans la lumière ». Se tenir à distance de la mort Charlie, la narratrice de 14 ans, a l’impression d’avoir grandi dans cet hôpital , non pas qu’elle soit folle mais son père Jim, surnommé Jimmie Darling, est un résident presque permanent du pavillon « Grands mentaux hommes » . C’est sans relâche et au sacrifice de son enfance qu’elle rend visite à cet homme bipolaire et suicidaire qu’elle soutient désespérément autant qu’elle l’aime éperdument. « Tout ce que je faisais avait à voir avec la mort, mais je prenais soin de me tenir à distance respectueuse d’elle ». On sait, on sent que cette histoire sera au « jus de mort » et qu’elle se terminera forcément mal pour Jim. Mais la grande réussite de ce roman, c’est que tout ce que nous révèle cette jeune Charlie sur la maladie mentale de son père, ses relations avec les autres patients, les praticiens ou avec sa mère Lone, est autant exprimé d’une langue à bord tranchant que raconté avec rondeur, douceur et innocence. De la folie à la résilience Quand devenue mère à son tour, Charlie nous confie tout l’amour qu’elle ressent pour son fils Marion, « une possibilité, une brèche dans les ténèbres », le roman de la folie bascule vers celui de la résilience et de la reconstruction. « Je vais bien. La vie est un long travail de deuil ». Les chapitres comme les phrases de Sara Stridsberg sont courts, parfois dénudés, mais d’une puissante charge émotionnelle. Si le sujet est triste, le livre ne l’est pas. L’auteur prend le parti que la folie puisse aussi être une espérance et comme l’écrivait Jacques Audiard, « Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière ».
Les internautes l'ont lu
Père et fille…
Jackie va presque tous les jours voir son père à l’hôpital psychiatrique surnommé le « château des Toqués » : Beckomberga. Un asile immense, le plus grand d’Europe : deux mille lits et la volonté de traiter les malades différemment en leur offrant peut-être plus de liberté dans un espace ouvert où règne la nature : des tilleuls, des rosiers, un vaste parc et des grilles qu’on ne voit pas, enfin pas tout de suite… C’est presque une ville dans la ville de Stockholm et son architecte Carl E.Westman est très fier de son projet. Les travaux ont commencé en été 1929. « Le résultat est à la fois modeste et monumental, grandiose et mélancolique. » L’espace intérieur est baigné de lumière et partout des fenêtres d’où la vue est magnifique. On voit le vaste ciel, les nuages et les oiseaux. L’hôpital ouvrira ses portes en 1932. Peut-être certains croient-ils à « un nouveau monde où personne ne sera laissé pour compte, où l’ordre et le souci de l’autre seront de mise… » Énième utopie ? Retrouvez Lucia-Lilas sur son blog |
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