Les Corps de Lola
Julie GOUAZÉ

Belfond
roman
Aout 2016
128 p.  17 €
ebook avec DRM 11,99 €
 
 
 
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coup de coeur

Désir, plaisir..

Une lecture inhabituelle pour moi, une lecture qui parle du plaisir, du désir, de sexe. Parfois directe, crue mais jamais vulgaire , une écriture poétique et sensible. Un texte qui perturbe, questionne, secoue nos esprits, nos habitudes. Le plaisir, le désir ; un texte touchant l’intime.

Quelle femme se cache en nous ? Quelle femme domine ?

Lola est trois femmes à la fois.

Lola la rouge, le provocante, la jouisseuse, l’érotique, celle qui veut braver les interdits, vivre ses désirs, passer la ligne.

Lola la bleue , la sage, celle qui aime la douceur, ses culottes en coton et pyjamas en flanelle., la raisonnable.

Ces deux Lola vivent dans le corps je dirais de Lola la violette, celle qui doit composer avec cette dualité : amour-plaisir, respect ou soumission.. Chaque Lola prend le dessus à un certain moment et veut prendre le contrôle. Lola la violette essaie de se construire.

Par amour pour lui, elle est prête à tout : le SM, l’échangisme et même l’amour à trois. Elle se dépasse, veut franchir la ligne, braver tous les interdits. Tout ça pour le garder ? Amour ou soumission ? Elle veut plaire et porte en elle la souffrance de le perdre. Elle aimerait réapprendre le plaisir, le désir. C’est quoi le désir ? Comment évolue-t-il ? Pourquoi est-il éphémère? Lola nous parle aussi de l’évolution de la notion de désir à différents moments de notre vie. Identité, liberté ?

Un texte direct, haché, saccadé, « craché » des tripes comme le sont les pulsions de Lola. La plume est particulière, poétique, sensible, sensuelle. Ce joli texte, fluide à l’écritute où les mots sont superbement choisis m’a ému. Je vous le conseille.

Ma note : 9/10

Les jolies phrases

Tu l’enchaînes parce qu’elle est libre et qu’elle te permet de t’attacher. Par sa soumission, elle t’accorde le droit de devenir le maître. Elle obéit à ton ordre mais c’est elle qui te donne la permission de jouer d’elle liée.

Un pied craquelé et fissuré dans un escarpin, c’est comme un saucisson trop gras dans un écrin de velours. C’est de la fausse publicité. Un tue-l’amour. Une odeur de poussière.

Un corps sans désir est un corps qui se meurt de l’intérieur. Et c’est en même temps un corps qui jubile. Ne plus être retenu par rien, ne plus pouvoir satisfaire… est-ce le début de la liberté ? Sans entrave, sans désir, sans besoin, le corps peut s’envoler.

La liberté commence à l’intérieur du corps. Et il est aussi le dernier rempart avant la soumission et l’enfermement.

Pourquoi dire les choses, les nommer … quand on les fait ? Quand on les vit ? Trouver les mots, c’est faire exister. Faire perdurer. Alors qu’elle ne veut que fermer les yeux et oublier.

Ce n’est pas la morale qui rattrape Lola. C’est l’interdit. L’envie d’aller voir ce qu’il se passe derrière les limites. Jubiler de faire ce dont les autres n’osent même pas rêver.

Porter le bonheur de l’autre sur ses épaules, c’est un peu oublier le sien.

Faire le choix de rester justement parce qu’elle est libre et qu’elle a la possibilité de partir. Tous les jours. S’il l’enchaîne à lui, elle n’aura de cesse que de trouver l’outil qui la libèrera de lui. Elle deviendrait violente, cruelle et injuste pour qu’il la lâche.

Le silence peut tuer. Il sait guérir aussi.

Sublime dans le fantasme de l’autre Lola Rouge transforme le glauque en poésie.

Le vrai défi de la vie, c’est de continuer à aimer ce que l’on connaît. C’est se forger la conviction que l’on a encore à découvrir.

Faire voeu de silence. Le silence. L’absence des mots. Le refus. Fermer la bouche et laisser sa tête s’envoler.
L’éducation par le silence, c’est être obligée de vivre les choses à l’intérieur de soi. Agencer les syllabes pour faire exister la vie. Créer des phrases silencieuses pour continuer à avancer. Juste être soi. Dans cet embrouillamini de salives.

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nuit blanche

Bleu et rouge

Elle est une. Elle est deux. Elle est trois. Les deux Lola enfermées dans un même corps. Se disputant la place. Chacune tentant d’étouffer l’autre, avec Lola pour seul arbitre. Lola Rouge aime la dentelle immaculée et le noir profond, dépasser les limites « Ce qui fait triper Lola Rouge, c’est le franchissement de la ligne. C’est toucher d doigt l’interdit » Lola Bleue est réservée, veut rester en arrière, inconnue parmi les inconnus, prend une douche et sort « cette infâme culotte en coton grossier qu’elle met les jours où elle n’ose pas dire qu’elle n’a pas envie de faire l’amour ». « Lola rouge transforme le glauque en poésie. Elle évolue, légère, sur le fil. » Lola doit se débrouiller toute seule avec la Rouge et la Bleue. Mais qui est Lola ? Une femme tiraillée entre la pudeur et l’impudeur, entre le sexy et le sage, entre le glauque et le franc, le chaud et le frais. Sans mauvais jeu de mots, elle fait le grand écart entre la Rouge et la Bleue, sa tête et son sexe. La soumise n’est peut-être pas celle que l’on croit. Lola rouge qui se veut libre, ouvrant les cuisses, recueillant le sperme des hommes est soumise à un homme, son homme, celui avec qui elle vit, celui qui l’emmène dans des parties fines. L’homme lui propose de faire l’amour avec une femme et… elle accepte. Ce petit côté femelle obéissante et soumise me gêne quelque peu. Lola connait la diminution du désir, de la passion avec désarroi. Pourtant, elle aimerait tant que la passion se termine pour laisser éclore l’amour « L’amour, c’est quand enfin on se donne le droit d’être soi… » En lisant ce livre je me suis posée une question. Lola Rouge est-elle le fantasme de Lola Bleue ou, simplement de Lola ? « Lola bleue rêve de corps aimants, en sueur, affamée. Elle mange, elle boit, elle baise. Elle aime. Elle coule. Elle lèche et suce…. Lola bleue se réveille, le poing crispé sous l’oreiller, l’autre main immobile entre ses cuisses, les genoux serrés.» La frontière est ténue. Lola est enceinte et « Elle aime cette sollicitude dénuée d’arrière-pensée. Enfin, enfin, Lola est autre chose que son cul. Elle porte la vie. Et elle emmerde le monde. Elle est la plus forte. Elle a vaincu tous les machos et tous les obsédés. » Lola Mauve pointe le bout de son nez. Réconciliation du corps et de l’esprit, mélange des couleurs avec peut-être à la clé le bonheur et la sérénité. Un livre cru de temps à autre, mais bon, il y a pire, ne soyons pas bégueule, savourons le style nerveux, incisif, pas vulgaire pour un sou, les phrases rythmées de Julie Gouazé que j’avais aimées dans « Louise » ! Réflexion sur la sexualité, le désir féminin conditionné par le regard du mâle, sur ce qu’une femme doit, avant tout, paraître alors qu’il suffit à l’homme d’être. Une lecture sans faux-semblant que j’ai beaucoup appréciée. Un livre sur le désir et les pulsions féminines qui est à rapprocher de celui de Leïla Slimani « Dans le jardin de l’ogre » L’amour, c’est quand on arrête de faire semblant d’être une autre…

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Métaphysique sexuelle des corps

Chez Julie Gouazé, Le corps de Lola abrite plusieurs personnalités. Trois en tout, malgré ce que l’histoire peut laisser supposer. Nous avons la Lola prude, sage, timide et effacée. Nous avons la Lola impudique, offerte et provocante. Et puis nous avons la Lola, peut-être la seule et unique vraie Lola : celle qui fait la jonction entre les deux autres Lola, entre le petit ange bleu et le petit diable rouge. Julie Gouazé confirme, dans ces « Corps de Lola », le style si particulier qui avait présidé à la publication de son premier roman, aux éditions Léo Scheer, « Louise ». Le rythme est court et effréné, un peu comme la vie de Lola, hachée entre la prude et la sauvage, qui doit passer de l’une à l’autre d’un simple claquement de doigt. Le style est donc haché et rapide mais on y sent tout de même un vrai et important travail : on est là encore dans la dualité entre un texte sorti des tripes et où pourtant chaque mot est pesé et réfléchi. Julie Gouazé nomme son héroïne mais dépersonnalise à outrance ses partenaires : ils n’ont pas de noms pour être à la fois tout le monde et personne, comme pour épouser l’anonymat des personnes qui fréquentent les clubs échangistes où Lola traîne sa fougue, ses envies et ses désirs. Julie Gouazé ne nous invite d’ailleurs jamais à juger Lola. Elle expose Lola tout comme Lola s’expose elle-même devant les autres sans prendre parti, sans porter un regard critique mais en essayant de comprendre comment (mais pas pourquoi) les changements de personnalité de Lola sont possibles. Le seul parti pris de Julie Gouazé serait en quelque sorte d’orienter le lecteur vers la vraie personnalité de Lola, celle qui ne se montre pas, celle qui n’existe que dans les quelques espaces laissés vacants par les Lola bleu et rouge. Dans une société qui poursuit une course folle vers toujours plus de démonstration de soi, vers toujours plus d’exhibitionnisme, le livre de Julie Gouazé ressemble à un pamphlet contre celle-ci et prône un retour à plus de sincérité, envers soi et envers les autres, à plus de discrétion dans l’étalage de ses (im)pudeurs. Julie Gouazé ne s’embarrasse pas de fioritures, fait l’économie des décors et des mises en situation, revient sur des thèmes précédemment abordés, laissant le lecteur parfois un peu perdu dans un flot dense et sans pause qui peut de temps en temps paraître répétitif.

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