La rédaction l'a lu
Le poids des maux« Et le mieux pour tout le monde, y compris pour Henrique aurait été qu’Henrique n’existe pas ». Cette inavouable confession d’un père aimant à propos de son fils autiste, expression d’une abyssale désespérance tout autant qu’impuissance, est le cœur battant de cet incroyable premier roman. Puissant. Rogério et Marta ont un fils unique atteint d’autisme. Alors qu’il a été renversé par une voiture à la sortie de l’école, parents et grands-parents se retrouvent aux urgences où le personnel médical les laisse dans le hall sans nouvelles de l’enfant. Est-il blessé ? Gravement? Mortellement? Commence alors pour eux une interminable attente sous stress, nourrie de tous les questionnements même les plus intolérables. Un parcours du combattant Les heures qui passent plongées dans l’angoisse ouvrent pour chacun l’espace intérieur pour revivre en éclats de miroir tranchants, le drame du handicap d’Henrique. De la triste découverte des retards physiques et mentaux de leur fils, à l’annonce comme une sentence du diagnostic implacable, jusqu’au parcours du combattant quotidien pour tenter de l’en sortir sans réelle structure d’accompagnement, on suit cette famille dans le chaos de leur quotidien. Unité de temps et de lieu pour ce premier roman halluciné de l’auteur portugais Valério Romão, poète, traducteur, homme de théâtre. Il construit ici un récit polyphonique d’une grande maîtrise dont l’attente aux urgences en huis-clos est le pivot central d’une tension narrative à haut voltage. Il aborde avec radicalité toutes les perceptions même les plus dérangeantes que provoque l’autisme d’Henrique selon les personnalités de chacun. On prend la mesure de l’impact du handicap sur le couple de parents qui, au fil des pages, se désagrège tant il devient moins difficile pour eux de souffrir séparément qu’ensemble. Un témoignage qui s’impose Incompréhension, déni, espérance, regrets, remords, colère, révolte, illusion, désillusions et résignation. C’est au tamis de toutes ces émotions aussi violentes que contradictoires que nous fait passer l’auteur de sa langue d’acier qui pourfend toute notion de politiquement correct. Pour aboutir en fin d’ouvrage à une lettre au père d’une telle portée, qu’on en reste sans voix. Bouleversé. Il y a des livres témoignages qui s’imposent comme des références littéraires cultes : « Mars » de Fritz Zorn sur le cancer, « Face aux ténèbres » de William Styron sur la dépression ou encore « Patrimoine » de Philippe Roth sur le deuil. Sur le sujet concernant et très sensible de l’autisme (huit mille enfants autistes naissent chaque année en France) ce livre fera référence. C’est le premier tome d’une trilogie qui a pour titre « Paternités ratées » et l’on se réjouit d’avance de retrouver bien vite cette nouvelle voix de la littérature portugaise avec laquelle il faudra dorénavant compter.
Les internautes l'ont lu
Seuls
Le petit Henrique vient d’être renversé par une voiture : ses parents Rogerio et Marta se précipitent aux urgences, rejoints rapidement par les grands-parents. Et c’est l’attente. Normal, me direz vous, aux urgences, on attend. Retrouvez Lucia-Lilas sur son blog |
|