La diaspora des Desrosiers, Tome 6 : Au hasard la chance
Leméac

Leméac/Actes sud
mai 2013
157 p.  18 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Le Québec par la langue

Il y a d’abord ce souffle, ce rythme étonnant, ce français québécois que Michel Tremblay a su comme personne mettre en écriture. Il y a aussi cette grande famille de personnages, tous inoubliables, fantasques et débordants d’énergie. Deux raisons parmi d’autres pour se précipiter sur le nouveau livre du romancier montréalais, « Au hasard la chance ». On retrouve ici la famille Desrosiers dont les multiples figures de femmes, combattives, optimistes et surtout porteuses d’un franc-parler cataclysmique, représentent à elles seules la liberté selon Tremblay.

Nous sommes en 1925 et la grande Ti-Lou, courtisane sublime et reine incontestée des nuits chaudes d’Ottawa, décide de prendre sa retraite et de s’en retourner finir ses jours dans son Montréal natal. Sitôt dit, sitôt fait. Ti-Lou s’installe pour sa première nuit dans le meilleur hôtel de la ville sous les yeux médusés du personnel. Mais que va-t-elle faire ensuite ? Ressortir tout de suite ou prendre un verre au bar de l’hôtel ?  Aller dîner en traversant le parc ou le contourner par la rue Dorchester ? Prendre un taxi ou aller à pied ? Le hasard parfois peut décider de toute une vie.

De son imagination débordante, Michel Tremblay provoque ainsi cinq « hasards », cinq suites possibles au retour de Ti-Lou. Autant d’occasions, pour le lecteur, de croiser des personnages à la vie malmenée, de Maria, la cousine qui travaille au Paradise, au gigolo éperdu d’admiration devant le professionnalisme et l’élégance de Ti-Lou. On retrouve ici les lieux chers à Tremblay, la « Main », rue principale de Montréal, centre de la vie nocturne, qu’il décrit aujourd’hui avec une certaine nostalgie.

Cependant Michel Tremblay n’est pas seulement un conteur exceptionnel. C’est aussi et surtout un révolutionnaire. On ne peut oublier, quand on ouvre ce nouvel opus de la diaspora des Desrosiers, qu’il a eu le courage de parler d’homosexualité à une époque où le Québec était encore sous la coupe de l’Eglise, et surtout qu’il a donné une existence littéraire au parler québécois, avec sa truculence et son accent, qui jusqu’à lui n’avait officiellement pas sa place dans les belles-lettres.

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