Voici un premier roman digne de ce nom : des forces et des faiblesses mais d’excellentes prédispositions à l’écriture. Bertrand Fitoussi a travaillé dans la finance londonienne et cela se sent. Il y place donc assez naturellement son histoire, celle d’un trader qui se voit affecté par sa banque, juste avant la crise financière des subprimes, sur le marché des CDO. Soyons clair tout de suite : ce livre ne vous apprendra pas ou ne vous fera pas comprendre comment fonctionnent ces produits financiers nocifs. N’y cherchez pas le « comment » même si vous y trouverez quelques informations sur le « pourquoi ». Ce n’est pas un livre technique sur les crimes financiers mais un regard critique jeté par un protagoniste placé au cœur du système. En cela le regard de Bertrand Fitoussi est intéressant parce qu’il positionne son personnage principal dans un rôle à la fois de participant et de regard extérieur, en tout cas objectif, sur un milieu particulièrement austère, froid, sexué (dans tous les sens du terme) et autarcique. Bertrand Fitoussi le fait avec une plume légère et pleine d’humour mais qui ne manque jamais sa cible. Au rayon des faiblesses d’un premier roman prometteur : celui-ci à tendance parfois à s’étirer et s’étendre sur certains thèmes, y revenant à plusieurs reprises créant quelques longueurs et répétitions. Pour souligner le regard critique qu’il porte sur les systèmes financiers, sans toutefois les condamner ouvertement, et sur ses dérives et pour capitaliser sur le style volontairement humoristique de certains passages, Bertrand Fitoussi est contraint de caricaturer certains personnages. A-t-il forcé le trait ? A-t-il au contraire collé à la stricte réalité ? Seul lui et les autres membres de la secte des traders peuvent le dire… En tout état de cause, on déteste ou on aime les personnages, toute neutralité est impossible vis-à-vis d’eux. On sent chez Bertrand Fitoussi le besoin de parler d’un univers sordide mais aussi de le défendre, incapable de le condamner. Son personnage principal est ainsi doté d’une empathie, d’une conscience (de soi, des autres, de leurs agissements) rarement rencontrées chez ses semblables. Cherche-t-il ainsi à atteindre à une sorte de rédemption ? Elle ne semble pourtant pas exister dans ce milieu où la roublardise et les dents longues seront toujours plus valorisés que l’honnêteté et l’humanisme.