C’est l’histoire de cinq femmes qui se rejoignent chaque lundi après-midi pour marcher ensemble. Après, elles goûtent, chacune à son tour se charge des agapes, et elles discutent. Elles maintiennent le lien, elles se sont connues à l’usine. Il leur semble, justement, qu’on a aujourd’hui une fausse idée du travail en usine, que ce serait important de transmettre quelque chose de leur expérience; elles envisagent un livre, ce sera une pièce de théâtre. Par le biais des rencontres et des amis d’amis, voilà toute une troupe qui se constitue, avec nos ouvrières, des jeunes, des intellos, des heures et des heures sont passées à mettre en mot et en espace ce qui a constitué leur vie de travail. Nous sommes à Brest, en 2007, l’usine Jabil veut encore dégraisser sa masse salariale, elle qui a d’abord été Ericsson, puis Thomson ou encore Alcatel… Le récit de cette aventure est transposé dans cette magnifique BD, à la tonalité orange, et ça se dévore. La pièce en elle-même (gros succès) est passionnante, mais j’ai encore plus apprécié le dialogue finement retranscrit qui se noue entre les générations, et le portrait sans appel qui est dressé du monde du travail de nos jours. Sans tabou mais sans aucune provocation, des thèmes très sensibles comme la perte d’influence des syndicats ou ce qui crée l’élan pour une action militante sont abordés, et affrontés. Mais ce qui différencie cette BD d’une autre comme « Lip, des héros ordinaires« , par exemple, c’est vraiment la subtilité avec laquelle la narration implique intimement les individualités et le collectif. Et j’adore la dernière bulle : « Malgré tout, « Politique qualité », au-delà de ce que raconte la pièce, a montré qu’il est possible d’avoir des projets, des loisirs et des rêves à mener que l’on soit salarié, sans emploi, licencié ou retraité. Les initiatives sont multiples… Elles enrichissent ceux qui construisent l’évènement mais aussi ceux qui le reçoivent. Et il y a tant d’histoire à raconter. »
