Ce ne sont que des souvenirs d’enfance tout en innocence. Et pourtant… Comment ne pas faire le lien entre la Syrie des années 80 où a grandi Riad Sattouf, et qu’il nous raconte dans la saga « L’Arabe du futur », et ce pays qu’une sanglante guerre civile ravage depuis cinq ans. On se précipite sur ce tome 3, comme sur le précédent, pour y retrouver bien sûr un Riad à l’âge de raison, découvrant l’école primaire et son rôle de frère aîné. Mais aussi pour y puiser quelques lumières sur l’histoire, les mentalités, le mode de vie de ce peuple aujourd’hui déchiré et meurtri.
Un regard d’enfant sur la vie des adultes
Ce roman graphique débordant de tendresse nous ramène dans la même maison, vaste mais délabrée, du village de Ter Maaleh où le père a choisi d’installer sa femme et ses deux garçons. Doux rêveur, Abdel-Razak Sattouf s’accroche à son poste d’universitaire comme à un don du ciel, persuadé qu’il lui garantit un bel avenir sur sa terre natale. Il tente de positiver malgré cette absence de confort, de vie sociale et de perspectives qui accable sa femme. Riad lit à livre ouvert dans les signes d’anxiété de l’une ou la fausse assurance de l’autre.
Ce regard d’enfant sur les épreuves de la vie d’adulte est le fil conducteur de la série. Riad Sattouf montre sa mère passer de la douceur à la révolte, de l’effacement au scepticisme, et son père tenter de s’affirmer auprès d’elle, mais aussi de sa propre mère, de ses collègues ou de ses relations « haut placées ». Souvent en vain. Le garçon poursuit aussi son apprentissage de l’école, cet univers impitoyable où l’instituteur a le coup de bâton facile, où de jeunes brutes épaisses font la loi à la récré…
L’étranger? Forcément un ennemi
L’auteur nous amuse aussi lorsqu’il se souvient avoir fait l’expérience du ramadan pour imiter son père, lui-même peu convaincu. Il nous fait sourire davantage encore au souvenir de ses premiers films d’action découverts en cassette VHS, qui l’ont fait s’identifier à Conan le Barbare, encadré de ses cousins, dans la morne campagne qui cernait le village.
« L’arabe du futur » a des accents du Petit Nicolas et de la Guerre des Boutons sur cette terre où à l’époque, en temps de paix, l’étranger était forcément un ennemi juif, où les proches et les fidèles du président al-Assad (Hafez, le père) étalaient sans vergogne leurs privilèges, où la loi du plus fort semblait le principal ciment de la vie en société. Riad Sattouf sait nous émouvoir dans une Syrie où rien ne fait rêver.