Ce roman est une plongée dans l’Amérique des sans-grade, des laissés pour compte, ce qui résonne particulièrement avec l’actualité. Brad, surnommé Skinner, a à peine 22 ans mais a déjà effectué 3 missions en Irak. Blessé au dos, il a été démobilisé. L’Armée lui a « généreusement » octroyé quelques milliers de dollars et puis…. circulez, il n’y a plus rien à voir. Désorienté, apparemment sans famille, Skinner ira en stop jusqu’à New York, dans le Queens, où il trouvera dans un quartier plus que populaire une chambre à louer dans le sous-sol d’une maison. Zou Léi est une jeune immigrée chinoise, clandestine qui survit de petits boulots en petits boulots. Même la diaspora chinoise ne fait pas grand cas de la jeune femme puisqu’elle est issue de la minorité musulmane ouïghoure peu considérée en Chine. De façon tout à fait improbable Skinner et Zou Léi vont se rencontrer et devenir amants. Ils n’ont absolument rien en commun, si ce n’est le goût de l’exercice physique et ils passeront beaucoup de leur temps à marcher dans les rues et à s’entraîner dans des salles miteuses de musculation. Skinner a été profondément marqué par la guerre en Irak et des troubles psychologiques apparaissent peu à peu. Zou Léi va bien essayer de l’aider mais Skinner est déjà bien trop empêtré par la dépression et il ne fera bientôt plus vraiment la différence entre la réalité et ses démons. Dans le même temps, l’auteur nous fait découvrir toute la « faune » qui hante les quartiers défavorisés, laissés à l’abandon et les petites gens qui tentent tant bien que mal d’y survivre. On y croise des milliers d’immigrés de toutes origines qui, pour un salaire de misère, acceptent toutes les tâches qu’on leur propose, bien plus proche de l’esclavage que d’un emploi digne de ce nom. C’est une peinture très réaliste de son pays que réalise là Atticus Lish, bien loin des clichés glamour que l’on nous montre à la télé. On comprend mieux après avoir lu ce roman le résultat de l’élection présidentielle. Atticus Lish vient de recevoir « Le Grand Prix de la Littérature Américaine 2016 », l’équivalent de notre Prix Goncourt.