l e c r i t i q u e i n v i t é Bruno Corty (Le Figaro) a aimé » Joyce Carol Oates, 78 ans, a commencé sa carrière en 1963 avec un recueil de nouvelles intitulé « By the North ». Depuis, elle n’a plus arrêté de publier. S’il est impossible de lire tout ce qu’elle écrit sous peine de mourir écrasé sous les dizaines de milliers de pages, force est de constater l’incroyable vigueur de l’écrivain, conteuse hors pair. « Dahlia noir & Rose blanche », son dernier recueil de nouvelles (le 25e tout de même !), est un petit bijou composé de onze histoires publiées dans différentes revues et magazines (« New Yorker », « Playboy », « McSweeney’s »). L’autre grande dame de la littérature américaine (avec Toni Morrison) y est à son meilleur. Impossible de lâcher une de ses histoires. On est pris dans les filets de son imagination. Celle que l’on surnomme JCO semble prendre un malin plaisir à nous mettre en garde : ne croyez pas ce que vous voyez ou entendez, une autre réalité, sombre, noire, cruelle est à l’œuvre ! Dans la nouvelle qui donne son nom au recueil, Oates s’empare de l’affaire du Dahlia noir, cette jeune femme dont le corps atrocement mutilé fut retrouvé dans un terrain vague de Los Angeles en 1947. Elle s’interroge: pourquoi le tueur s’en est-il pris à la brune et pas à la blonde ? À quoi aurait ressemblé la culture américaine si Marilyn, plutôt que Lizz, avait dîné avec le tueur ? Elle évoque les corps brisés, profanés des femmes. Dans « I.D », on demande à une gamine livrée à elle-même de reconnaître à la morgue le corps de sa mère. Dans « Tromperie », une mère est convoquée par le proviseur de l’école qui l’interroge sur la provenance des bleus et cicatrices sur le corps et la tête de sa fille. Le mal n’affecte pas que les corps. Chez Oates, les esprits sont embrouillés. Une femme entend des cris d’oiseau dans la salle d’embarquement d’un aéroport puis, tout à coup, devient cet oiseau affolé de ne pouvoir s’échapper. L’enfermement est au coeur de deux nouvelles situées en prison. Dans l’une, un petit être pervers condamné pour meurtre pose sans fin la question : « Comment une personne devient morte ? » Dans l’autre, une prof bénévole s’imagine prise en otage par les prisonniers et égorgée. La famille décomposée ou recomposée est aussi de la partie. Un homme refait sa vie et emmène sur les lieux de son passé sa nouvelle compagne et ses enfants. Il veut repartir de zéro mais déterre, par hasard, le squelette d’une fillette. Dans deux autres histoires, Oates décrit avec jubilation des vieux couples d’Américains. Leur tendresse érodée par le temps. L’un des maris a « un corps en forme de poire » ; l’autre, dans son lit, ressemble à « une otarie échouée ». Une nuit, l’une des femmes rêve qu’elle est une hyène et met en pièces son mari. L’ensemble est macabre et cruel à souhait. On conseillera donc ce recueil aux amateurs de sensations fortes ! |
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