Que vous vous intéressiez au mariage (ou pas), que vous soyez férus de coutumes chinoises (ou pas), ce document passionnant est à découvrir. L’auteur, journaliste et chef du service Asie de « La Croix », arpente la Chine depuis plus de trente ans. Pays qu’il a déjà mis « sur le divan » (édité chez Plon en 2008). Autant dire que son travail d’enquête sur l’amour en Chine, le commerce du mariage, du marché des célibataires et des relations familiales au prisme de l’argent est des plus fascinant.
Les marieurs ont le vent en poupe
En Chine, le mariage est un marché. Et les futurs époux sont les moins susceptibles d’être les plus à mêmes de faire le bon choix. C’est l’un des constat de ce document. D’où l’incroyable succès des marieurs en tout genre : personnes individuelles qui en font commerce, agences ayant pignon sur rue et affichant des millions d’abonnés… mais aussi parents soucieux de l’avenir de leurs enfants.
Mao et sa politique ont longtemps laissé les rênes de la gestion sociale -et des relations entre individus- aux mains du Parti (et de toutes ses représentations à travers le pays). De nombreux auteurs l’ont décrit, tel le romancier Yan Lianke dans « Le rêve du Village des Ding » (éditions Philippe Picquier, 2009). La libéralisation économique des dernières décennies a changé la donne au pays du soleil levant. Sans que, pour autant, les célibataires à marier ne reconquièrent leur autonomie en matière de décision et de libre-arbitre, constat encore plus évident pour les jeunes femmes. Qui, pour trouver l’élu, s’en remettent aux parents, aux agences et aux marieurs dans une stratégie qui ne laisse que très peu de place à l’amour… ou même à l’attirance physique. Entrent en ligne de compte les finances du promis, la situation professionnelle et des critères matériels clairement énoncés. Loin de toute forme d’hypocrisie.
Pour décrire au mieux les situations que vivent ces jeunes chinois en quête de mariage (plus que d’amour), Dorian Malovic rencontre et suit des jeunes femmes (majoritairement), décomplexées autant que soumises à la pression familiale.
Plein de petites histoires
Le talent de l’auteur est de raconter ces petites histoires, croustillantes, poignantes, sans jugement ni parti-pris. De rencontres en maisons closes en virées au « marché aux célibataires », il nous convie à la découverte de ces Chinois aux aspirations semblant à des années lumières de leurs congénères occidentaux. Si la recherche de l’âme sœur n’est pas évidente en France pour qui cherche à répondre aux attentes familiales, ou à ses aspirations propres, c’est encore plus redoutable en Chine. Celles qui témoignent sont franches, tel Mei la courtisane qui considère « les femmes comment des anges descendus sur terre pour les hommes (…) elles se coupent les ailes, deviennent humaines, perdent leur beauté, leur liberté et vieillissent…. ». Ou Qian, 27 ans : « (…) l’argent compense tant bien que mal leur douleur sentimentale (…) Il semble que tout le monde accepte de signer un contrat tacite (…) l’homme veut une jolie femme à disposition, la femme veut de l’argent pour mieux vivre. » Une lucidité extrême bien loin de la quête d’amour.