critique de ""Un président ne devrait pas dire ça..."", dernier livre de Gerard Davet - onlalu
   
 
 
 
 

"Un président ne devrait pas dire ça..."
Gerard Davet

Points

840 p.  9,50 €
ebook avec DRM 8,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Un président ne devrait pas dire ça … Et pourquoi pas ?

Certains livres sont plus que des livres. C’est à l’évidence le cas de « Un président ne devrait pas dire ça… »  de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, tous deux journalistes au « Monde ». Il paraît même que cet ouvrage aurait été la goutte qui aurait fait déborder la coupe déjà bien pleine d’un président se trouvant finalement dans l’impossibilité de briguer un deuxième mandat.

Pourquoi tant de « buzz » ?

Mais diantre, qui y a-t-il donc dans ce livre ? Au risque de vous surprendre, pas grand-chose. Je veux dire rien de scandaleux au regard de tout le tintouin que cette parution a suscité. Reprenons ce dont il a été le plus question:

– On s’étonne que le président s’en prenne au courage des magistrats.  Mais il n’y a là rien que de très habituel. De tout temps, l’exécutif n’a de cesse de tenir le judiciaire, et donc les magistrats, le plus éloignés possible, affichant le mépris habituel de ceux qui agissent envers ceux qui jugent dans leurs palais, retranchés derrière leur code de procédure.  

–  On s’offusque que ce grand amateur de foot pensent que les joueurs sont le plus souvent niais et immatures. Effectivement, quelle audace !  

– On crie au scandale à l’idée que le président –et qui plus est en période d’attaques terroristes- soit amené à donner l’ordre de tuer – les fameuses opérations « Homo » –  des individus menaçant la sûreté de l’état. Mais c’est l’inverse qui surprendrait, non ?

– On accuse le président, à propos de la Syrie,  de révéler des secrets défense. Mais lesquels ? Oui, les militaires français étaient prêts à intervenir (nous le savons depuis longtemps), et puis Barack Obama s’est dérobé, impressionné par le refus du parlement britannique de donner son feu vert à une intervention qui aurait conduit l’armée anglaise à se joindre aux forces françaises et américaines. C’est d’ailleurs la part la plus intéressante du livre ; celle où l’on comprend comment une décision internationale se prend, comment les enjeux, les rapports de force, les doutes et les peurs s’entrechoquent pour conduire, ou non, à une décision.

– On s’étonne – et beaucoup se sont vexés – des jugements portés sur les personnalités socialistes. Claude Bartolone, par exemple, n’aurait pas l’étoffe d’un Premier ministre ? Mais franchement, en dehors de l’intéressé et de sa maman, qui en doute ?

En fait, ce qui est vraiment surprenant ce n’est pas tant le contenu de ce livre que le fait qu’il existe. C’est cela la vraie question. Le projet de départ était de suivre le candidat Hollande, puis ses cent premiers jours à l’Elysée pour voir comment la charge modifiait le comportement de celui qui l’endossait. Ou pour le dire autrement, comment le tétard une fois élu, se transformerait en grenouille. C’était original et intéressant. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé et le président a donné son accord pour que l’expérience se poursuive tout au long du quinquennat.

Pourquoi François Hollande a-t-il tant parlé ?

Pourquoi donc François Hollande a-t-il souhaité se confier à ces deux journalistes politiques, en acceptant par avance de n’avoir aucun droit de regard sur le contenu?  Qu’en attendait-il ? A-t-il mesuré l’effet ravageur que pourraient produire au moment de leur publication des propos tenus parfois des années auparavant ?
Force est de constater que l’on ne trouve pas de réponse à ces questions pourtant essentielles. Et cela contribue à épaissir encore davantage le mystère de ce drôle de président que les 662 pages de cet ouvrage ne réussissent pas à percer.

En refermant ce pavé, on se dit que si le président avait bénéficié de bons sondages, avait eu derrière lui l’opinion et une famille politique unie, cet ouvrage aurait pu l’aider. Car enfin, il ressort de ces pages un personnage qui a du mal à trancher certes, mais qui finit toujours par le faire, qui montre souvent une grande lucidité, qui a sans doute vu juste sur la Syrie –et l’horreur qui se déroule à Alep sous nos yeux plaide en sa faveur- et qui a gardé un sang-froid incontestable face aux attaques terroristes.

Mais les vents n’étaient pas bons, loin s’en faut, et ce livre est venu s’ajouter au passif fort lourd d’un homme insaisissable. Et puis le lancement, parfaitement orchestré, par les Dupont et Dupond du journalisme politique qui en sont à leur sixième livre en commun depuis 2011 (ça ne chôme pas !) et qui font mine – patibulaire, voir leur site www.lhomme-davet.fr – d’être surpris d’un tel écho a fait merveille.

Une question toutefois reste en suspend. Pourquoi ce livre est-il sorti cet automne ? Car enfin s’il s’agissait de chroniquer le quinquennat, il aurait été intéressant de suivre le président jusqu’au bout. D’être là au moment où il décide de se représenter ou pas, et d’observer la fin de son mandat qu’il soit ou non candidat. Mais évidemment l’écho de cet ouvrage qui serait alors paru en mai ou juin 2017 n’eut pas été, du tout, mais pas du tout, le même…

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