Dans ce numéro spécial de la revue « A l’Index » dirigée par Jean-Claude Tardif et écrit en vers à quatre mains avec son aîné Jean Chatard, les deux auteurs s’interrogent sur le statut de la poésie aujourd’hui. Dans un parcours au fil des saisons, le poète du quotidien et le poète marin tentent de conjurer le péril du vide.
La poésie comme une urgence.
C’est avec la couleur rouge de la transgression que la poésie annonce sa venue. On ne peut plus la contenir ; pour preuve, les « tags » que d’aucuns reconnaissent comme les signes d’un art qui déborde, enfle par les rues et dans la nature frissonnante. Elle est invitation au voyage, à se dépouiller de tout et à larguer les amarres. Tout est trop bien rangé dans notre conformisme contemporain : à l’abordage ! La poésie est partout, elle est « la nuit, le jour, la vie, la mort », et les poètes se tiennent prêts, guettant le moindre signe d’inspiration. Mais comment la mettre en forme aujourd’hui, quand les mots rares ne se laissent pas capturer et qu’on leur objecte un « à quoi bon ? »
Le poème n’est pas passé de mode !
On a beau convoquer les modernes Hugo, Baudelaire, Rimbaud ou Garcia Lorca, le temps fuit, il est déjà tard et les amis s’en vont. Le constat est amer : on a perdu l’habitude de rêver, la couleur des jours a viré au gris et l’hiver est entré au cœur des hommes. Il n’est plus d’Abyssinie à découvrir ; le poète range alors ses habits de prophète, se souvient des jours anciens et sent parfois lui aussi le désespoir le guetter. Mais il faut garder l’œil ouvert, car c’est de la contemplation que naît l’inspiration, un voyage immobile moins chimérique mais tout aussi rempli d’espoir. Il n’est que d’écouter le dialogue entre un pivert et un chat, et c’est déjà un nouveau mystère à déchiffrer et à offrir au monde.
