illustration Brigitte Lannaud Levy
Son nom est si beau : « L’odeur du temps » que l’on souhaite immédiatement en connaître l’origine. On le retrouve dans « L’adieu », un poème du recueil « Alcools » de Guillaume Apollinaire. Nous ne résistons pas à l’envie de vous en proposer les quelques vers.
« J’ai cueilli ce brin de bruyère
L’automne est morte souviens-t’en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t’attends »
Créée en 1980, cette librairie située dans le quartier du vieux port de Marseille a fait le choix rigoureux de ne pas se soumettre aux contraintes commerciales du monde de l’édition et de ne proposer – quel que soit le genre: roman, essais, sciences humaines, philosophie, psychanalyse… – que des livres de qualité « littéraire ». En 2000, Roland Albertou en prend la gérance et poursuit cette ligne directrice. Ce lieu qu’il qualifie lui même « d’alternatif » ne se soumet pas aux pressions de l’air du temps et du commerce et fait le choix avant tout de mettre en avant et défendre avec convictions ce qui lui tient à cœur. C’est Olivier Gallet, libraire, qui nous reçoit pour nous livrer ses conseils de lecture.
Quel roman français vous a particulièrement marqué ces derniers temps ?
« Crépuscule du tourment » de Léonora Miano (Grasset). Ce très beau texte choral se situe dans un pays d’Afrique qui n’est pas nommé. Il est composé des récits de quatre femmes qui s’adressent au même homme. Il s’agit de sa femme, sa mère, son ex-femme et de sa sœur qui vont livrer chacune leurs vécus, leurs ressentis, leur intimité avec lui. Même si je ne crois pas beaucoup aux prix littéraires, elle aurait mérité d’être distinguée cet automne.
Et du côté des romans étrangers ?
« La comédie des erreurs » de l’Américaine Nell Zink (Seuil). L’histoire dans les années 60 d’une jeune lesbienne qui souhaiterait ne plus l’être et qui tombe amoureuse de son professeur de littérature, qu’elle épouse et dont elle va avoir des enfants. Tout cela va provoquer un joyeux bordel qu’elle va fuir avec sa fille abandonnant mari et fils. Raconté comme cela, ça a l’air sombre, mais c’est d’un humour féroce, irrésistible.
Quel premier roman a retenu votre attention?
« L’éveil » de Line Papin (Stock). Ça se passe à Hanoi au Vietnam, c’est la rencontre sensuelle et tendre entre une expatriée fille d’un ambassadeur et un jeune Français. Va surgir du passé de ce garçon, une autre femme… Un roman d’une grande sensualité qui est très réussi.
Quel est le roman que vous défendez avec ferveur, qui serait le plus emblématique de la librairie?
« Conversation en Sicile » de Elio Vittorini (Gallimard). L’histoire d’un typographe milanais de retour chez lui en Sicile après quinze années d’absence. Un texte contemplatif d’une belle étrangeté. On y voit la montée du fascisme en Italie, la douleur du monde, le tout porté par une très belle écriture.
Une brève de librairie
Un souvenir très impressionnant. Lors de la deuxième guerre du Golfe, un soldat américain m’a acheté avant de repartir en mission « Les Tragédies » de William Shakespeare dans l’édition bilingue de la Pléiade : 1600 pages de papier bible.
Propos recueillis Par Brigitte Lannaud Levy
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