La nuit est tombée depuis longtemps, sous la couette, avec une bonne tisane chaude, bien confortablement installée, je suis prêt à passer la nuit à affronter le froid sibérien.
Tougour (Extrême-Orient russe), un jeune est attiré par un homme et se décidé à le suivre
« Il se leva, se chargea de son barda, se mit en marche. Et moi sur ses traces, je sentais qu’il ne m’était plus tout à fait inconnu. »
Les voici dans la taïga et, ce qui devait arriver, arriva. L’inconnu tend au piège et le suiveur tombe dedans. Cela pourrait être le début d’un polar, mais il n’en est rien. L’homme lance « Assieds-toi et raconte ». Au bout de cinq minutes, je crus avoir tout dit : notre départ de l’orphelinat, le stage, la bagarre des géodésistes, Tougour… »
A son tour, l’homme raconte.
Automne 1952, Pavel Gartsev, militaire réserviste se retrouve en Sibérie Orientale pour participer à des manœuvres expérimentales dans le cadre d’une possible guerre nucléaire. Avec quatre autres militaires, Louskass, commissaire de la république quelque peu sadique, représentant du contre-espionnage militaire, Boutov, Général, très enrobé et un peu porté sur la bouteille, Ratinsky, sous-lieutenant opportuniste, Vassive, maître-chien ; ils ont pour mission de rechercher un prisonnier dangereux et armé qui vient de s’enfuir d’une prison-bagne.
Les voici à la poursuite de ce zek dans la taïga. La chasse à l’homme n’est pas aussi aisée que l’on pourrait le penser.
Cette traque a quelque chose de bizarre, c’est que le poursuivi ne donne pas l’impression de fausser compagnie à ses poursuivants. Chaque nuit, il allume trois feux, deux pour sa sécurité et le troisième à côté duquel il dort. Simple question de précaution
« Il avait compris qu’il nous fallait le prendre vivant et que le chien ne serait pas lâché à ses trousses, mais surtout que personne parmi nous n’avait hâte de s’exposer à ses balles. Il ne donnait pas l’impression de vouloir nous distancer ni de se réfugier dans une cache… et, pour la nuit, choisissait (un lieu assez exposé où nous ne pouvions pas l’aborder sans être vus. »
Les sentiments de Pavel à l’égard du fugitif se modifient
« Je ressentis pour lui non pas de la sympathie mais cet attrait qui devait unir, dans les temps immémoriaux, deux solitaires se croisant dans une forêt sauvage. »
Tout change lorsqu’il découvre qui est réellement le fugitif.
Chacun leur tour, les poursuivants sont victimes d’accidents de parcours et abandonnent la traque. Le voici seul à poursuivre le cheminement à deux, car Pavel sait qu’il ne veut pas l’attraper. Il va comprendre qu’il n’est pas du bon côté de la vie, que le prisonnier lui donne une belle leçon de vie.
Ce qui, au début n’est qu’une chasse à l’homme, devient une quête quasi métaphysique. Pavel se débarrasse de ses oripeaux de troufion, de guerrier, pour endosser ceux de chasseur-cueilleur, apprend la nature au contact du Zek. Connaître l’identité de ce fugitif va changer sa vie de fond en comble.
Cette chasse à l’homme e transforme en voyage initiatique. L’archipel des Chantars est bien l’archipel d’une nouvelle vie.
Je fus, une nouvelle fois, subjuguée par l’écriture d’Andréï Makine. Superbe coup de cœur.
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