Mac et son contretemps
Enrique Vila-Matas

traduit de l'espagnol parAndré Gabastou
Christian Bourgois Editeur
litterature etr
mars 2017
339 p.  24 €
ebook avec DRM 18,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Le roman des auteurs

L’auteur espagnol Enrique Vila-Matas satisfait mon penchant pour la littérature qui parle de littérature. Toute son œuvre tourne autour de la métafiction, de la difficulté à écrire, de la mise en scène de l’auteur et des rapports entre vérité et fiction. Son dernier roman, assurément l’un de ses meilleurs, est un bel hymne à la littérature.

L’auteur et son double

Mac, la soixantaine, vient de perdre son travail. Pour tenir à distance les angoisses et la dépression, ce lecteur passionné se lance dans l’écriture d’un journal. Ce nouveau rituel est enrichi par des promenades dans son quartier barcelonais, au cours desquelles il croise régulièrement son voisin, le célèbre écrivain Ander Sanchez, qu’il ne peut souffrir et qu’il soupçonne d’entretenir une liaison avec sa femme. Un jour, surprenant une conversation entre Sanchez et sa libraire, germe en Mac l’idée de réécrire un livre publié trente ans auparavant par le détestable auteur. « Walter et son contretemps », c’est son titre, est le roman d’un ventriloque assassin ; en le relisant, Mac y décèle l’influence de plusieurs nouvellistes américains et y trouve des échos à sa propre vie. Notre « débutant en écriture », comme il se définit lui-même, va peu à peu s’approprier ce texte jusqu’à la dissolution de son être. Entre marches hallucinées sous la canicule, scènes de ménage, filature et enquête littéraire, Mac manie avec habileté l’art du mensonge et la falsification.

Le roman comme modification

« J’aime répéter mais en modifiant », dit Mac, dont l’entreprise consiste à s’engouffrer dans les brèches d’une écriture pénultième, pour remonter à la source du récit originel d’où procèderait toute création littéraire. Dans ce roman métafictionnel flottant à la lisière de la fiction et de la réalité, il y a l’histoire d’une quête, résonance proustienne du temps fixé par la littérature. Si certains épisodes relèvent de la comédie, le livre possède une mélancolie intrinsèque, celle d’un personnage tiraillé entre la peur du quotidien immédiat et l’envie d’échapper à sa condition. Avec cette histoire de revanche par la plume, Enrique Vila-Matas interroge subtilement l’essence de l’écriture qui n’est jamais que palimpseste. Brillant !

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