illustration Brigitte Lannaud-Levy
« Avant mes trente ans, je voulais enfin faire un métier qui me plaise et qui m’habiterait pour toujours ». C’est ainsi que Nathalie Sokoloff a sauté le pas et réalisé – avec son mari Blaise – le rêve auquel elle tenait depuis toujours : devenir libraire. Cogolin, elle connaissait pour y avoir passé des vacances. La librairie de cette station balnéaire du golfe de Saint-Tropez était tenue par une « amie d’amie » qui l’avait créée en 2000 et qui souhaitait passer la main. C’est tout naturellement qu’en 2011, Nathalie Sokoloff a relevé le gant et repris l’enseigne, non sans difficultés en dépit d’une énergie déployée hors du commun. Sans relâche, elle met tout en œuvre pour être présente hors les murs : à la fête du livre du Var, au salon jeunesse de Grimaud, aux nocturnes littéraires, mais aussi en créant pour la première fois un salon du livre dans sa propre ville. Mais il y a peu, la librairie s’est retrouvée à cause de contingences externes, au cœur de fortes turbulences financières. C’est grâce au soutien de confrères libraires, d’auteurs et de lecteurs qu’elle a été sauvée du naufrage. Ils ont lancé sur un site participatif un « Cogolinthon » pour sortir la librairie de la zone rouge. Pari réussi, les vents sont aujourd’hui au portant et le soleil brille à nouveau sur cette bien jolie librairie de bord de mer qui fêtera dans la joie ses 17 printemps cette année.
Quel roman français nous conseillez-vous vivement de lire ?
Mon gros coup de cœur est « Née contente à Oraibi » de Bérangère Cornut (Le Tripode). Un chef d’œuvre pour moi, tant il est bien écrit. C’est un roman d’apprentissage, anthropologique, nourri d’une grande poésie. L’histoire d’une jeune amérindienne du peuple Hopi, qui part sur les traces de ses ancêtres où il est question de vie et de mort, de nature et de spiritualité.
Et du côté des auteurs étrangers ?
Je vais sortir de l’actualité et vous recommander un livre qui compte beaucoup pour moi : « Le Maître des illusions » de Donna Tartt (Plon). Ce livre publié en 1992 m’a laissé une empreinte forte et m’habite depuis sa lecture. Un roman aussi sublime que cruel, fortement imprégné de culture et d’érudition. Je le conseille beaucoup aux plus jeunes, au même titre que « L’idiot » de Dostoïevski. Deux lectures essentielles
Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marquée ?
« L’endroit le plus dangereux du monde » de Linsey Lee Johnson (Lattes). Il y a certains échos avec le roman de Donna Tartt. On suit à San Francisco, huit jeunes gens du lycée à la fac et on mesure l’incidence et la gravité de l’impact des réseaux sociaux sur leur vie privée. Un roman cruel et glaçant sur le monde adolescent. Mais je suis aussi très contente du Goncourt du premier roman qui a été attribué à Maryam Madjidi, « Marx et la poupée » (Le Nouvel Attila). Un récit autobiographique qui commence dans le ventre de sa mère lors de la révolution iranienne, puis qui se poursuit six ans plus tard au cours de son exil en France. C’est un texte tendre, triste, politique et poétique sur l’identité. Mais aussi un très beau message d’amour à sa mère.
Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous recommandez depuis toujours avec ferveur ?
« La vie rêvée d’Ernesto G. » de Jean-Michel Guenassia (Livre de poche). Un roman que j’aime beaucoup, car il contient tout : de l’histoire, du romanesque, du politique, des sentiments. La traversée du siècle d’un médecin juif pragois né en 1910, l’histoire d’une vie épique d’amours, d’amitiés, de rencontres, d’espoirs.
Quel est le livre que vous vous êtes promis de lire ?
J’aimerais finir « La divine comédie » de Dante. Avec ce livre c’est comme un rendez-vous raté. Je le commence et je le mets de côté, car il intervient toujours un événement qui m’amène à le poser. C’est une grande frustration pour moi.
Une brève de librairie :
Notre sauvetage incroyable avec ce « Cogolinthon », sur le site participatif Leetchi, où chaque jour un auteur devait récolter 1000 euros pour nous aider à nous en sortir. Nous avons eu beaucoup de chance que cette chaîne de solidarité d’auteurs, de libraires et de lecteurs se mette en place. Un immense merci à eux tous et plus particulièrement à Gérard Collard de la librairie La Griffe noire et aux auteurs Fabio Mitchelli et René Manzor qui ont été les têtes de pont de ce sauvetage. Grâce à eux, on est debout et on a confiance.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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26 rue Gambetta
83310 Cogolin
04 94 54 01 51