Pierre Grimal
Mille et une nuits
octobre 2003
160 p.  12,20 €
ebook sans DRM 8,49 €
 
 
 


illustration de Brigitte Lannaud Levy

 Quand vous vous perdez dans les rues de Rome comme il convient de le faire pour bien découvrir la ville éternelle, immanquablement vous tomberez sur la librairie française  nouvellement baptisée Libreria Stendhal. Idéalement, située entre la célèbre Piazza Navona et le Panthéon, elle jouxte l’Institut français et l’église Saint Louis des Français célèbre pour son ensemble du Caravage.  
Cette librairie voit le jour au sortir de la seconde mondiale, par le biais du philosophe Jacques Maritain alors ambassadeur près du Saint-Siège, qui a créé à Rome le Centre culturel français et très vite a souhaité lui adjoindre une librairie. Celle-ci ouvre ses portes en 1955, mais malheureusement ferme vingt ans après. 1984, La Procure la fait renaître et après diverses reprises,  le 1er décembre dernier, Marie Eve Venturino, libraire aguerrie venue du sud de la France, en prend les rênes. Pour marquer le changement et lui imprimer son style elle la rebaptise Libreria Stendhal et la dote d’une identité visuelle des plus marquantes représentant le célèbre auteur de « La chartreuse de Parme » et de « Promenade dans Rome ». Rencontre avec une libraire qui n’aime rien tant que les échanges qui vous mènent sur les chemins de traverse et qui,volontairement, bouscule notre interview pour nous livrer avec beaucoup de générosité ses bons conseils de lecture.

Quels sont vos coups de cœur  du moment ?
Plus que coups de cœur, je dirais questionnements du moment.  L’actualité politique me pousse depuis quelque temps à m’intéresser au sens des mots, de l’écrit en général contre les discours ambiants, la médiatisation à outrance des pensées vides. Je crois que la librairie peut être un lieu de réflexion et d’action en ce sens. Un lieu de dialogue constructif et collectif. Je viens de relire « Les mots sans les choses », un court essai d’Éric Chauvier (Allia) que je trouve particulièrement pertinent sur les dérives du langage. Comme sont pertinents également « Les mots et les actes » de Bernard Aspe (éditions Nous), et « En quel temps vivons-nous ? »,  la conversation entre Jacques Rancière et Éric Hazan (La Fabrique).

Et du côté des auteurs étrangers ?
Des auteurs italiens bien sûr. Il y en a une longue liste, mais je dirais Amelia Rosselli une femme poète. Son recueil « Documents »  (éditions La Barque)  est une merveille d’écriture dense, politique, intime, expérimentale, ouverte. Je l’ai lu en italien et la traduction de Rodolphe Gauthier est vraiment belle. Dans un autre registre, le philosophe Paolo Virno questionne le langage dans nos expériences, mais aussi comme formes de vie contemporaine. Dans « Grammaire de la multitude : pour une analyse des formes de vie contemporaines » (Éditions de l’Eclat), la notion travaillée de multitude ou de commun sert à comprendre toute forme de vie politique. Pour finir j’indiquerais le numéro 14 de la Revue Nioques consacré aux poètes italiens, un recueil qui rend compte de la vitalité de l’écriture de recherche en Italie.

Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marqué :
Je vais contourner votre question et plutôt vous parler d’un premier essai.  La question linguistique est dans la chose publique, mais aussi en littérature, et à ce propos je conseille la réflexion jubilatoire de Florent Coste dans « Explore » (Questions théoriques sur la littérature) lieu par excellence de l’exercice du langage, comme exploration des formes de vies et d’investigation de son efficacité sociale et politique.

Quel est le livre-culte, le plus emblématique de la librairie
Je vais tout d’abord vous parler de deux livres qui m’ont construite. Libraire depuis presque 24 ans, j’ai appris le métier avec quelqu’un de remarquable : Jean Simon, de la librairie Vents du Sud à Aix en Provence qui a fermé récemment.  En moins d’une semaine, il me mettait deux livres dans les mains qui ont étés fondamentaux dans ma construction de libraire : « Les aphorismes » de Wols  (Flammarion) et « Lisbonne  dernière marge » d’Antoine Volodine (Minuit) .

Mais pour en revenir à la Libreria Stendhal, je vous citerai « Histoire de Rome » de Pierre Grimal (Fayard), écrit par un très grand historien spécialiste, mais un texte à la portée de tous, d’une écriture limpide et poétique. Stendhal bien sûr, « Les Promenades dans Rome » (Folio), sur le Caravage….Ou « Rome le firmament » de Gérard Macé (Le temps qu’il fait), promenade par un esthète dans la Rome baroque, ou encore « Iles, guide vagabond de Rome », de Marco Lodoli (La Fosse aux Ours), qui décrit des îles comme des bulles, des lieux réels, imaginés ou littéraires.

 Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
Cet été j’ai prévu de lire les quatre volumes de « Utopiques » de Miguel Abensour, un philosophe remarquable malheureusement disparu il y a peu de temps.

Brèves de librairie
J’ai connu deux grandes hontes dans mes premiers jours en tant que libraire française à Rome ! La première était liée à ma méconnaissance initiale de la langue. Une cliente me demande donc en italien un livre dont j’avais du mal à comprendre le titre…La cuisine bête…ne comprenant pas bien de quoi il s’agissait, je lui demande s’il s’agit d’un livre de cuisine facile, elle me répond non, c’est un roman de Balzac. Honte absolue, il s’agissait de « La Cousine Bette »….prononcé avec un accent !

La seconde, je demande son nom à une cliente italienne venant chercher sa commande. Elle me répond Loy. Rosetta Loy. Je lui rétorque que je lui demande  son nom de famille, pas celui de l’auteur… Mais il s’agissait de LA Rosetta Loy, l’auteure, qui venait nous acheter un livre absolument fantastique que j’avais au demeurant lu, « La première main ». Je ne m’attendais pas du tout à me retrouver devant elle et me suis sentie terriblement embarrassée.

Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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Libreria Stendhal
Piazza di S.Luigi de Francesi, 23
00186 Rome Italie
00 39 06 68 30 75 98

 
 
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