Il est toujours difficile de chroniquer le livre d’un homme politique. Qu’on l’éreinte ou qu’on l’encense, le lecteur pensera qu’il ne s’agit que d’un parti pris.
Avec « Des hommes qui lisent », on ne court pas ce risque, car ce récit n’a rien à voir avec la droite, la gauche, le centre ou la marche. Bien sûr, son auteur est aujourd’hui Premier ministre et on pourrait croire à un coup de marketing orchestré par un chef de gouvernement encore peu connu qui cherche à se faire connaître sinon se faire mousser.
Ce n’est pas le cas ici, loin de là. Ce texte est un plaidoyer attachant et à l’évidence sincère pour le livre et peut-être plus encore pour la lecture.
Edouard Philippe considère la lecture comme une activité essentielle à son équilibre et à son épanouissement et c’est cela qu’il nous raconte. En expliquant comment les livres sont entrés dans sa vie, le rôle qu’ils y tiennent, comment il les découvre, les partage, les garde comme des trésors –il les offre mais ne donne ni ne prête jamais ceux qu’il a lus- il se découvre lui-même, et se raconte sans s’exhiber.
Il parle des hommes de sa famille, des relations complexes avec son père qui, alors qu’il savait à peine lire, lui tendit la première page de L’Enfer de Dante (!), il évoque son passage de la gauche (étudiant, il était rocardien) à la droite, de son choix, à la sortie de l’ENA, pour le Conseil d’état où il prendra la mesure de l’importance du mot juste.
Et c’est d’ailleurs avec une grande précision qu’il écrit de belles pages sur Le Havre et ses docks, sur le rôle de ce riche courtier suisse qui se prit d’affection pour son grand-père docker à qui il fit découvrir le bonheur des livres, sur Céline et les raisons pour lesquelles il faut le lire, sur la boxe et ceux qui la lui apprennent et dont il parle avec respect et une tendresse inattendue.
« Offrir un livre, c’est transmettre une partie de soi. » écrit Edouard Philippe. En écrire un aussi, et « Des hommes qui lisent » en est la preuve.