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coup de coeur
Une pépite
Elle vient d’un pays d’Afrique. Elle vit là-bas dans la palmeraie avec son mari et ses deux enfants; les jumeaux Zina et Zeit. Elle travaille l’argile rouge avec ses mains et en enduit ses cheveux et son corps qui prennent la couleur rouge. Un jour, un homme blanc aux cheveux jaunes vient photographier le désert. Il la voit et envoûté prend des photos d’elle jusqu’à la nuit tombante. Pour la première fois de sa vie, elle se sent exister, vivre. Elle partira, suivra l’homme aux cheveux jaunes en Europe pour vivre son destin. Le mari et les enfants vont entreprendre le grand voyage pour la retrouver et la ramener au pays. Six mois de désert jusqu’à Tarifa, trois mois de plus pour arriver à Séville. En arrivant, ils découvrent sa photo partout sur les murs de Séville. Avec l’aide de Baobab, un africain migrant, ils vont prendre contact avec le photographe pour retrouver sa trace et renouer le contact. Choqué par sa nudité dévoilée, le père avec l’aide de Baobab, passeront leurs nuits à habiller le corps de sa bien aimée. Mais les codes changent, la couleur de peau des mannequins aussi et du jour au lendemain, tout bascule. Elle, adulée hier, posera pour des pubs de produits ménagers, elle ira même jusqu’à se mutiler pour rendre une plus grande authenticité de son image, au détriment de sa santé. Père et enfants ont migré dans l’espoir de la ramener à la maison, mais arrivés sur place il faudra déchanter car au pays elle serait lapidée, répudiée. Ils vont donc survivre avec d’autres migrants trouvant par-ci par-là de petits jobs pour être là où elle se trouve. Zina, mendiante est attirée par la foi. Zeit prendra lui peu à peu la place qu’occupait sa mère sur les murs de la ville en y faisant des graffitis….un autre destin l’attend. Une femme jouera un rôle important auprès de la famille et des enfants : Amalia. Il y a beaucoup de choses à dire dans et sur ce magnifique récit : un autre regard sur les migrants, la notion de racisme, la force de l’amour du mari … mais je ne veux pas vous gâcher le plaisir de la lecture. Enormément de jolies phrases relevées car l’écriture de Vénus Khoury-Ghata est somptueuse. Le phrasé est particulier, très sensuel, très poétique. C’est un peu comme un conte oriental à l’écriture ciselée. Une plume magnifique que je vous recommande très particulièrement. Ma note : un immense coup de ♥ Les jolies phrases Elles sont nombreuses, présentes à toutes les pages, en voici quelques unes…. Rien de précis dans tout ce qu’il dit. L’homme qui a atterri sur leur trottoir est de la race des escargots. Il se retire dans sa coquille pour ne pas se livrer et ce n’est pas la bave laissée derrière lui qui va expliquer ses motivations. Elle parle de lui au passé, à l’imparfait comme s’il était mort alors qu’il respire derrière la mince cloison qui les sépare. A-t-on besoin d’écrire quand on sait parler ? L’écriture n’est utile qu’aux muets. Personne n’écrivait au ksar, tous parlaient mais avec d’autres mots. Ceux qu’il entend sont plus longs, plus étroits, ont d’autres sons. Zeit a beau les tordre dans un sens puis dans un autre, ils ne sont pas faits pour sa bouche. Son explication est simple : ces gens veulent nous rabaisser. La race blanche se venge. Revanche des incolores sur les colorés. Elle s’interdit tout sentiment, toute émotion, ne demande rien à personne, ne cherche pas à revoir ses jumeaux qu’elle sait dans la même ville. Elle a échoué à faire d’eux de vrais enfants et ils ont échoué à faire d’elle une vraie mère. Culpabilité partagée. Ils sont quittes. Inéluctable la séparation. Désirée hier, rejetée aujourd’hui. Elle voulait avoir un destin, devenir un personnage. Le sort en a décidé autrement. La mode aussi. Les africaines remplacées par les lituanniennes, les slovènes éthérées, les sombres passées de mode. L’art ignore les races et les appartenances. Même planète pour tous, les frontières, les barbelés, une invention d’hommes à l’étroit dans leur imagination. Il a besoin d’avoir peur pour créer, la quiétude ne vaut rien pour l’artiste. Retrouvez Nathalie sur son blog |
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