Il est temps de suivre un régime et d'apprendre à voler
Michelle Ballanger

Editions du Rouergue
rouergue litter
avril 2017
274 p.  20 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu

Une couverture magnifique et un titre en apparence léger pour un premier roman adulte proposé par Michelle Ballanger.

Nous sommes en Roumanie, en Transylvannie au pied de la montagne Dracula.

Adam est professeur de français mais aussi écrivain public.

Les après-midis, les gens défilent et il écrit des lettres qu’ils classent dans des fardes de couleur en fonction du thème des courriers. Il aime coordonner son pull à la couleur de la lettre : lettres anonymes, lettres d’amour, testaments, poèmes …

Adam vivait seul depuis le départ de sa femme et de sa fille en France, en 1984. Depuis l’an dernier il a accueilli Dragos, un vendeur de poids, vieux, sale. Dragos et les lettres lui permettent d’oublier sa solitude et celles qui l’ont quitté.

Au fil des lettres, nous découvrons des personnages parfois hauts en couleur qui vont animer sa vie. Peu à peu, les vies se glissent les unes dans les autres, se tissent des liens.

Natacha une petite princesse gitane et Corneliu, un tricoteur d’écharpes multicolores vont changer un peu le cours de sa vie. Il y a aussi Stella, la vendeuse d’amour, Victor et son héritage, Gheorge qui voudrait récupérer sa femme partie en France.

A travers ces vies et ces personnages nous découvrirons en filigrane l’histoire de la Roumanie, le régime de Ceaucescu, les premières élections, les privations et le changement.

Nous sommes en 2008, il faut parfois du temps pour comprendre les choses, pour faire éclater une rancoeur et enfin réagir.

Un très beau roman qui nous est présenté de façon originale par le biais de ces échanges épistolaires. Il se compose de trois parties : « Les bagages » – « Les voyages » et « Aller-retour ».

Un récit qui permet de comprendre l’envie de vivre ailleurs, l’espoir d’une vie meilleure. La vie des gitans aussi est traitée et nous donne un autre regard sur cette communauté. Des femmes qui prennent leur destin en main.

Une belle pioche pour notre lecture commune avec Julie des « Petites lectures de Scarlett »

Ma note : 8.5/10

L’avis de Julie se trouve ici

Les jolies phrases

Adam se dit que c’est l’odeur qui montre la misère, bien plus que les vêtements et les bijoux en toc.

On ne tue pas la honte en la refilant à quelqu’un. Ça marche pas.
– On fait comment alors ?
– On la tue en la nommant. On la regarde dans les yeux et on lui dit ses quatre vérités. Y a pas d’autres solutions. Après ce n’est plus elle qui est la plus forte. On ne tue pas la honte avec une lettre anonyme.

L’important c’est le silence et le souffle. Pas besoin de mots pour le désir. C’est le mouvement qui met ensemble les corps qui compte. Je connais quelques mots, je peux vous les confier mais il faudra écrire le mouvement et ça je ne sais pas le dire. Le faire oui. Pas le dire. Je montre avec mon corps. J’ai toujours fait les deux ensemble. C’est ainsi le désir. Une danse. Je peux vous dire et vous montrer. Mais vous ferez les phrases.

Dans le bleu nu des yeux de Dragos, Adam ne voit plus que l’infini chagrin qui s’y est logé. Un chagrin comme une pierre qui empêche de voir quoi que ce soit d’autre, qui prend toute la place et ne laisse rien passer autour de lui.

On ne peut pas changer la couleur des yeux de quelqu’un, on ne peut pas non plus se retenir au bord d’un regard. On est forcer d’y plonger. Au moins pour un moment. On est forcé d’être touché. Adam se dit qu’il lui était plus aisé de vivre de l’odeur de Dragos qu’avec le regard de Dragos. Mais qu’à cela ne tienne, il apprendra. Tout s’apprend.

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