La rédaction l'a lu
Un roman jubilatoireCe que j’aime, ce que j’ai toujours aimé dans les romans, c’est qu’un écrivain me raconte des histoires. N’importe quelles histoires. Si en plus le style et la construction tiennent leurs promesses, quel bonheur! Avec « L’invention de nos vie » de Karine Tuil, je suis comblée. « Avec le mensonge, on peut aller très loin, mais on ne peut jamais en revenir », dit un proverbe yiddish. Ils sont trois amis: Samir Tahar, musulman, fils illégitime d’une femme de ménage; Samuel, adopté par un couple d’intellectuels juifs laïques devenus très religieux; et Nina, dont la beauté laisse pantois ceux qu’elle rencontre. Tous trois ont l’avenir devant eux et pourtant, lorsqu’ils se revoient vingt ans plus tard, ils ne sont pas devenus ce à quoi ils étaient destinés. Samir, qui s’appelle maintenant Sam, a conquis l’Amérique et fait fortune sur un mensonge; Samuel a consciencieusement et sûrement raté sa vie, comme Nina dont le physique spectaculaire ne sert plus qu’à des pubs pour barbecue. C’est à ce moment-là de leur existence, la quarantaine venue, que Karine Tuil les cueille. Et quel bouquet. Creusant dans leur quotidien, tentant de comprendre leurs motivations et leurs dysfonctionnements, décryptant les existences des uns et des autres entre Paris et New York, elle explore le mensonge sous toutes ses facettes, celui que l’on sert aux autres, mais aussi à soi-même. Aux deux tiers de « L’invention de nos vies », alors qu’il s’était déjà passé pas mal de choses (mais comment allait-elle retomber sur ses pieds ?), voilà que que son récit s’envole vers d’autres cimes. Les destins des trois personnages sont complètement chamboulés et cela pourrait être invraisemblable; à vrai dire ça l’est un peu, mais c’est sans importance. Karine Tuil conduit son livre pied au plancher et on est ravi d’être sa passagère.
Les internautes l'ont lu
coup de coeur
une mystification saisissante
C’est l’histoire d’un trio Samir, Samuel, Nina 3 amis, ils se rencontrent sur les bancs de la fac mais rapidement un triangle amoureux se forme et Nina décide de rester avec Samuel. Du coup Samir part faire sa vie aux EU. Il devient un brillant avocat, se marie avec une riche héritière et se réinvente un passé pour s’intégrer à la bourgeoisie juive New Yorkaise pour gagner en respectabilité et oublier d’où il vient des quartiers difficiles en France. Il va se faire sa place au soleil avec tout l’apanage du luxe, de la réussite, le bel appart, 2 beaux enfants, un carnet d’adresse bien rempli. Il incarne parfaitement le rêve américain, il est en pleine quarantaine, il est respecté et rien en apparence ne semble manquer à sa vie. Il se permet seulement de multiplier les aventures pour échapper à sa vie corsetée et aux poids des conventions. Pourtant il cache un secret qui peut complètement détruire ce qu’il a construit pendant 20 ans. A l’inverse son ancien camarade Samuel est un écrivain raté, qui vivote en étant éducateur dans une banlieue sans âme . Il attend d’écrire le grand roman de sa vie, vivant avec Nina devenue mannequin pour des grands magasins. Un jour le choc, ils revoient Samir et découvre sa nouvelle vie en Amérique et sa réussite à la télé. Par curiosité malsaine, il cherche à en savoir plus et le début de l’intrigue se noue, il décide de provoquer une rencontre à Paris. Samuel espère ainsi être sûr que Nina l’aime et qu’elle ne regrette pas de l’avoir choisit 20 ans plus tôt et Nina ne veut pas contrarier Samuel. L’écriture est profonde, romanesque, pleine de détails, de fureur et de bruit, avec le portrait typique du self made men américain Samir , de celui qui en veut, qui collectionne, qui est dans l’hyper contrôle et la sexualité débridée. Il y a la description de la jeunesse dorée avec la femme de Samir qui se partage entre humanitaire et sa vie d’épouse habituée à être traitée en princesse. La méfiance du beau père envers ce gendre trop poli pour être honnête, et la question du reniement des origines avec la mère de Samir qu’il cache à sa nouvelle famille. On comprend comment le personnage Samir s’est construit seul, par le travail, la rage de réussir et la manière dont il est parvenu à intégrer les hautes sphères grâce à un quiproquo. La quête d’identité notamment à travers le personnage du frère de Samir, une interrogation sur la judaïté avec la crise de Samuel vis-à-vis de ses parents, sur le mensonge pour se construire sont au coeur du roman. C’est aussi une réflexion sur les apparences, la discrimination, les préjugés notamment à la fin du roman. On alterne entre description du monde des puissants avec Samir au départ, à qui tout à réussi, du monde des laissés pour compte Nina et Samuel, de la mère de Samir et de son demi frère François. On louvoie des beaux quartiers New Yorkais aux grands ensembles français, on assiste à cette tragédie, à ce déchirement entre 2 hommes pour une femme Nina. Nina personnage sensuel, ultra féminine objet du désir et du fantasme de ces 2 hommes, qui reste au départ avec Samuel par pitié et à cause du chantage affectif. Que va-t-elle faire quand elle sera en face de Samir, quel choix ? Quelle vie va-t-elle choisir ? Il y a aussi une réflexion sur la place de la femme dans la société avec d’un côté Ruth la femme de Samir riche héritière adulée par son père, soumise au poids des règles, de la religion, en adoration devant son mari et ne connaissant pas sa double personnalité. Et Nina la femme plus libre, sensuelle mais qui peu à peu se laisse enfermer dans une vie qu’elle n’aime pas. La critique du puritanisme américain est présente, son hypocrisie,son exaltation de la famille, de la valeur de l’argent, la violence sociale. On a aussi une analyse sur l’intégrisme religieux, la discrimination. Enfin on a la description du métier d’écrivain des doutes sur l’inspiration, sur l’édition, la lecture à travers le personnage de Samuel et ses tentatives pour écrire. L’auteur réussit à nous faire rentrer de plein pied dans un univers riche, foisonnant, fait de citations et de notes de bas de pages pour rendre encore plus crédible son récit. Description détaillée et réaliste de ces différents mondes des 2 côtés de l’Atlantique. Des faiblesses, ambitions et lâchetés humaines, de la passion, du renoncement. Elle alterne les récits des différents personnages scindés en plusieurs parties qui montent crescendo jusqu’au final bouleversant pour les 3 personnages principaux. Un style efficace qui nous embarque comme au cinéma, qui fait monter le suspense, l’angoisse, retranscrit la psychologie des personnages et notre monde complexe d’aujourd’hui post 11 septembre. Un récit sur la construction identitaire et la mystification et qui montre comment d’une omission, un détail peut bouleverser et changer une vie. Un livre efficace qui captive le lecteur et le fait s’attacher au personnage notamment à Samir personnage complexe, qui n’a pas une vision manichéenne mais montre bien les tourments auquel on peut être confronté. Alors ouvrez cet ouvrage et vous à la place de Samir, Nina, Samuel quels choix auriez vous fait ? Auriez-vous réinventé votre vie ? Auriez-vous tenté de changer ? Pour le savoir partez à la découverte de ces personnages vous ne le regretterez pas.
coup de coeur
Si Karine Tuil n’existait pas il faudrait l’inventer
Karine Tuil, en 497 pages d’une dureté, d’une pureté et d’une saveur incomparables, parle de la quête identitaire qu’elle semble elle-même mener en invitant trois personnages centraux dans son histoire : Samir Tahar, arabe, musulman, avocat, Nina, mannequin pour les magazines de vente par correspondance, et Samuel Baron, juif, écrivain raté. A travers les destins croisés et amoureux de ces trois personnes, Karin Tuil nous entraine dans un tourbillon de haine, de mal-être, de faux-semblants, de mensonges, d’ambitions, bref dans un petit bréviaire des plus sombres turpitudes de la nature humaine. Samir rencontre Nina et Samuel au cours de ses études. Nina et Samuel sortent ensemble, Samir séduira Nina et aura une aventure avec elle au moment même où Samuel enterre ses parents. Au terme de cette aventure : la rancœur pour Samuel qui retiendra Nina à coup de chantage affectif au suicide, le regret pour Nina qui laissera partir Samir alors qu’elle l’aime et la fuite pour Samir qui ira faire des études de droit ailleurs avant de s’envoler pour une brillante carrière d’avocat à New-York. Mais Samir, en quittant la France, abandonne également son passé pour voler et accaparer celui de Samuel, pour devenir Sam, juif séfarade, dont les parents sont décédés dans un accident de voiture (ce qui est réellement arrivé aux parents de Samuel, épisode suite auquel il a dû prendre le deuil et dont a profité Samir pour séduire Nina), marié à Ruth dont le père est un des hommes les plus riches et donc les plus puissants d’Amérique. Samir/Sam est l’archétype de l’arriviste séducteur, assoiffé de sexe, de réussite, de reconnaissance, lui l’arabe qui a eu du mal à débuter, qui n’a pas hésité à trahir ses origines, les siens et ses amis pour endosser la pelisse d’un autre pour assurer son avenir et devenir le chancre de la prépondérance du paraître sur l’être. Samir n’est pas le seul à s’inventer une vie. Nina et Samuel ne sont pas en reste. Que ce soit à travers les rôles qu’ils se donnent avant de retrouver Samuel et dans l’espoir de dénoncer la supercherie ou que ce soit dans leur vie de couple : ils mentent, se mentent l’un l’autre en basant leur relation sur tout sauf sur l’amour (en tout cas un amour sain ou noble) et se mentent à eux-mêmes. Tout semble factice et donc en premier lieu leur relation construite sur le chantage au suicide qu’avait fait peser Samuel sur Nina, biaisée par un rapport de force imposé par le plus faible des deux sur la plus forte des deux. Les fondations étant pourries, le reste de la construction l’est tout autant. Et elle finira pas éclater lors du retour de Samir en France. Retour qu’il effectue pour retrouver Nina, la séduire à nouveau (sans y mettre beaucoup d’efforts, Nina étant plus qu’attirée par la perspective de leur nouvelle liaison), avant de retourner à sa vie dorée new-yorkaise. A ce titre, la première partie du livre démontre à quel point Samir/Sam a littéralement bâti sa nouvelle vie sur les cendres de la vie de Samuel, cherchant à se libérer des chaînes de son passé pour mieux se construire sa propre cage, dorée certes mais tout aussi frustrante dans la mesure où il ne peut jamais être lui-même. Revoir Nina est donc pour lui la possibilité de s’offrir un retour en arrière, du temps où il était encore Samir, un retour aux sources. La seconde partie est celle qui mènera Samuel vers sa propre déchéance : en provoquant le retour de Samir en France et leurs retrouvailles, il pousse volontairement Nina dans les bras de Samir, en espérant qu’elle résistera mais tout en sachant que ses espoirs sont vains, provoquant ainsi consciemment sa propre perte, son propre déclin. En filigrane commence également à apparaître le futur déclin de Samir. En revenant en France et en renouant avec Nina et son passé, il renoue avec tout son passé, y compris sa mère, qui le prend pour un « bon musulman » et son demi-frère, pauvre être raté, qui vit dans la haine (toute réciproque) de son grand-frère qui a réussi là où lui a lamentablement échoué. Samir a tellement brodé, tellement menti qu’on en vient même à se demander si ce qui est présenté comme les rares moments de sincérité de Samir se livrant à Nina n’est pas aussi un nouveau mensonge. La troisième partie est le récit de la chute annoncée précédemment de Samir qui en faisant venir Nina à New-York, en y faisant immigrer son passé, y fait également s’y déverser toutes les preuves de la supercherie sur laquelle est bâtie sa vie actuelle, le forçant à se dévoiler. Il se dévoile notamment face à son frère, sorte de miroir réfléchissant, non pas le modèle qu’il a devant lui, mais le contraire de ce modèle. Samir a toujours détesté son origine arabe, son physique typé arabe, son prénom arabe (bref tout ce qui semblait, au nom d’une discrimination ancrée dans l’esprit de tout le monde, le rejeter de la société dans laquelle il souhaitait s’épanouir) alors que son demi-frère, François, issu de la liaison de la mère de Samir avec un député tout ce qu’il y a de plus français, exècre son teint pâle franchouillard, son prénom franchouillard (bref tout ce qui crée le rejet qu’il vit mal dans sa banlieue arabisée à outrance et qui faisait baver d’envie Samir). Karine Tuil crée l’antinomie entre Samir et François non seulement en offrant la réussite (ou la façade de la réussite) à Samir et l’échec total à François mais aussi en jouant sur les désirs totalement opposés de l’un et de l’autre, chacun des deux souhaitant au plus profond de lui revêtir la peau de l’autre. Dans sa quatrième partie, Karine Tuil pousse tous ses effets au maximum : François vire islamiste intégriste antisémite provoquant la chute définitive de son frère accusé de terrorisme, Samuel décroche enfin le graal littéraire auquel il aspirait en étant enfin publié et couronné de succès, Nina se retrouve seule, littéralement sur la pavé, sans argent, sans domicile, sans travail, déchue de tout ce qui faisait son identité féminine. Ironie du sort, les mêmes leviers sont à ce moment-là les raisons du déclin de Samir et de la réussite de Samuel : la révélation de toute la vérité marque la fin de l’existence de Samir telle qu’il l’a connue et la falsification de la vérité par Samuel dans son livre est l’élément qui marque le début de son succès, alors même que Samir redevient (ou devient) enfin lui-même, que François se transforme en l’arabe qu’il avait toujours rêvé d’être et que Samuel travestit son intégrité identitaire pour assouvir ses visées ultimes. Karine Tuil, dans sa démarche d’interrogation de l’identité, pousse l’artifice jusqu’à inventer, dans des notes de pied de page, de courts curriculum vitae des moindres personnages qui traversent, ne serait-ce que dans une phrase, l’histoire en leur prêtant des aspirations plus ou moins abouties. Cela va de la vendeuse d’une boutique au concierge de l’immeuble où Samir possède un appartement pour ses coucheries en passant par le videur d’une boîte de nuit, etc… Au-delà du questionnement identitaire ramené à sa dimension ethnique, raciale ou d’héritage socio-culturel, Karine Tuil interroge aussi l’écrivain sur sa propre nature, sur ses aspirations, ses doutes, ses buts avoués ou non, sur son essence même d’écrivain, de créateur voir de menteur, de manipulateur et de profiteur. Karine Tuil possède un style âpre qui colle parfaitement à son propos et à ce qu’elle veut dire des relations humaines. L’ensemble est, on l’aura compris, plutôt sombre et pessimiste. Mais c’est tellement bien écrit, que l’on trouve cela torturé, parfois obscène, un brin racoleur et, avis à la populaschtroumpf, assez durassien ai-je personnellement trouvé par passages… les mots semblent ici trouver leur exacte et juste place dans un ordonnancement qui ne souffre aucune modification, aucun retrait, aucun ajout. Une grande et belle réussite, il me semble, en tout cas un roman qui me suivra longtemps ! Un roman foisonnant dans lequel il y a tellement de choses à prendre, sur lesquelles s’arrêter et réfléchir. « Le moralisme bourgeois de Ruth. Son souci des conventions. Sa constance presque ennuyeuse, toujours là où on l’attend. Auprès d’elle, il n’a jamais eu le sentiment d’être pleinement lui-même. Il n’a été qu’une représentation parfaite de ses archétypes masculins, avocat compétent, bon père de famille, juif scrupuleux, mari aimant, gendre attentionné – rôles qu’il a toujours remplis avec un zèle suspect comme s’il trouvait quelque jouissance inconsciente ç incarner cet homme dont on disait : Il a tout, et dont elle-même pouvait dire : C’est un homme parfait. Mais il pouvait bien inventer sa biographie, ce ne serait jamais la sienne. Il s’était composé un personnage comme un auteur crée son double narratif. Alors qu’avec Nina, retour aux sources, à la version originale, à l’essentiel, à son orientalisme – cette spontanéité qui lui manquait et qu’il ne retrouvait que lors de ses brèves visites chez sa mère. » « Il ment. Il en tire une gloire personnelle. Etre un loser, être perçu comme tel par la société, c’est une victoire sur le système, les compromissions, la corruption, c’est la preuve qu’on n’a pas cédé à l’ambition, à l’argent, l’assurance d’être resté un homme bien, un homme vrai, proche du peuple et des préoccupations sociales : trouver un logement décent, un travail, nourrir ses gosses, rembourser ses crédits, et pas un de ces bobs qui écrivent des tribunes dans les plus grands quotidiens pour défendre les droits des immigrés clandestins mais inscrivent leurs enfants dans des écoles ultraprivées où l’on n’entre pas sans être parrainé par un plus puissant que soi, sans brandir sa déclaration fiscale, des établissements sélectifs où, Dieu merci, leur progéniture ne côtoiera pas des fils d’immigrés, des fils de concierges, qui font baisser le niveau et pénalisent la scolarité de leurs enfants précoces, gâtés, bien au chaud entre eux, et lui veut être un loser magnifique, écrivain méconnu ;, raté social – un pur concentré de violence, croit-il. Contrairement à ce qu’il dit à Nina, il tire une grande fierté (une forme d’arrogance même, un sentiment de supériorité) d’avoir résisté – c’est le mot qu’il emploie, lui qui n’a même pas mené une guerre sociale – alors que (c’est lui qui l’affirme) Tahar est devenu le symbole de tout ce que la société produit de pire, un avocat lisse, aseptisé, quand lui veut être un écrivain du désordre, quitte à ne pas être publié, quitte à ne pas être lu. »
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Le mensonge révèle-t-il l’authenticité ?
Tout comme l’auteure, hantée dans son œuvre par les thèmes récurrents de l’identité, des racines, de l’authenticité ou du mensonge, les héros de Karine Tuil ont leurs démons. Samir Tahar est un homme intelligent plein de force et de ténacité. Ces belles qualités lui ont permis de réussir brillamment des études de Droit en dépit de ses origines modestes et d’un avenir médiocre qui paraissait tout tracé. Seulement voilà, Samir n’est pas du genre à s’incliner devant le Destin. L’écriture est fougueuse, directe, efficace, à l’image de Samir. L’action nous tient accrochés au livre tout comme les personnages s’accrochent à leurs rêves et à leurs vies inventées. Ces derniers ont beaucoup appris et évolué au fil des pages, gagnant en sagesse et en équilibre. Imposture identitaire.
Il s’appelait Samir Tahar… Mais voilà. Aussi brillant fut-il dans ses études qui firent de lui un avocat qui allait devenir célèbre, chaque CV envoyé dans le cadre de sa recherche d’un poste lui était systématiquement renvoyé… Jusqu’à ce qu’un jour un ami lui ayant suggéré de modifier très légèrement son prénom ses candidatures au nom de Sam Tahar furent quasiment toutes retenues!
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Le mensonge, ce territoire dont on ne revient pas
L’usurpation d’identité (ici, Samir Tahar s’appropriant la religion et le passé de son camarade de classe Samuel) est en soi un point de départ hautement romanesque. Ce qu’en fait Karine Tuil dépasse toutes les attentes. « L’art de la réussite consiste à savoir s’entourer des meilleurs », disait JFK. Sam Tahar l’a compris très tôt. La façon dont il s’élève socialement est fascinante. Mais plus l’on monte haut, plus la chute, le cas échéant, est vertigineuse. « Ce roman va bien au-delà de la question identitaire : il embrasse le monde, l’interroge, l’explique, le décortique. », écrit Mohammed Aissaoui. Dès les premières pages, L’invention de nos vies se révèle addictif. Le rythme haletant et la densité de la narration sont intensifiés par une écriture nerveuse et chargée, parce que Karine Tuil ne choisit pas – elle additionne les termes, les expressions, les morceaux de phrases, et cela finalement ajoute à la nuance, à la précision. Chaque personnage croisé ou presque a droit à sa note de bas de page, commentaire partial, fragment de vie, instantané dans le ton de l’époque du roman, dans l’esprit des flashs dont est émaillé le film allemand mythique Cours, Lola cours (1998). Avec beaucoup de talent, Karine Tuil analyse enfin ce qu’on attend des autres, ce qu’on projette sur eux, et ce que l’écriture fait de la vie/ce que la vie fait de l’écriture. C’est captivant de justesse. Comptant parmi les titres les plus attendus de cette rentrée littéraire, L’invention de nos vies est une formidable fresque contemporaine, un portrait sans complaisance de cette ère de l’immédiateté et de la performance dans laquelle nous évoluons, et où l’image bien souvent prime sur le sens – et un bonheur de lecture. Retrouver Sophie Adriansen sur son sblog |
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