On referme le 22ème roman d’Amélie Nothomb avec un plaisir mélancolique… et une question de taille: faut-il chercher à ressusciter le passé ? Doit-on revenir sur les traces de nos bonheurs d’antan ? N’y a-t-il pas plus de coups à prendre que de joie à éprouver? Ce sentiment de félicité que nous procurent nos souvenirs n’est-il pas plus fort qu’un présent qui ne ressemble plus au passé ?
« La nostalgie heureuse » est sans doute l’un des livres les plus personnels de l’auteure. Elle nous dévoile ses fragilités et ses doutes, son manque de confiance en elle et nous révèle l’influence (parfois trop lourde à porter) qu’elle a sur ses lecteurs. Mais ses angoisses nourrissent son œuvre, toujours ponctuée de son humour pétillant et vif, dans une langue épurée, fuselée, précise et belle, très belle.
Amélie retourne au Japon en 2012, cette terre chérie, après 16 ans d’absence. Depuis lors, le sol qui l’a vue naître a tremblé, a été dévasté, et ne correspond plus à l’image qu’elle s’en faisait, telle qu’elle le rêvait. La première phrase du livre est révélatrice : « Tout ce que l’on aime devient une fiction. » Et un paradis perdu.
Elle revoit néanmoins les deux amours de sa vie d’alors : sa deuxième mère Nishio-San, « la femme sacrée », et son fiancé nippon Rinri. Elle redoute les retrouvailles. Elles se dérouleront, malgré l’émotion, plus facilement que prévu. En revanche, la séparation se révélera plus délicate : la première sera bouleversante et difficile, la seconde plus sereine. La vie est ponctuée de creux et de plein. Amélie, elle, se remplit de vide, cette vacuité qui l’apaise. Mais l’indicible reste toujours là. La romancière nous permettra-t-elle un jour, de percer son mystère ?