Les internautes l'ont lu
Une plongée salutaire et addictive dans l’hypocrisie de l’après-guerre.
Totalement addictif ! Ce roman m’a scotchée à mon fauteuil pendant de longues heures au point que j’ai été tout étonnée de la relative discrétion qui a accompagné sa parution. Noyé dans une rentrée littéraire particulièrement riche ? Pourtant, même si je n’avais rien lu de lui jusque-là, l’auteur est connu… Les mystères des critiques et des lecteurs sont décidément déconcertants. A moins que le propos du livre qui révèle des dessous pas très reluisants du milieu littéraire français pendant l’occupation en ait froissé quelques-uns… Quoi qu’il en soit, La gloire des maudits est un roman captivant et audacieux qui explore une période de l’Histoire longtemps évitée. Autant la guerre, l’occupation et la libération ont inspiré (et continuent d’ailleurs) les écrivains, autant l’après-guerre est souvent à peine effleuré. Nicolas d’Estienne d’Orves choisit le milieu des années 50, dix ans après les événements qui ont dévasté le monde. L’épuration et les procès des collabos ne sont plus que des souvenirs. Des peines ont été purgées, des individus ont repris le cours de leur vie, d’autres sont passés entre les mailles du filet. Les personnages sur lesquels s’appuie l’auteur sont tous plus gris que blancs ou noirs. A commencer par Gabrielle Valoria, son héroïne principale. Fille adolescente d’un collaborateur mondain sous l’occupation, elle a assisté à son exécution. Et peine à conjuguer son futur quand son présent demeure lesté d’un passé compliqué. Surtout quand d’anciennes relations refont surface et qu’il faut bien trouver de l’argent pour vivre dans le grand appartement familial où elle cohabite désormais avec son jeune frère. Lorsqu’un homme la charge d’une enquête sur Sidonie Porel, la grande romancière, elle se laisse convaincre par la promesse d’une coquette rémunération et s’introduit dans l’univers de cette femme au prétexte d’écrire sa biographie. Les mystères qui entourent Sidonie Porel, les mensonges sur lesquels elle a bâti sa vie se confondent avec ceux de la grande Histoire dont les zones d’ombres ont favorisé les impostures et les traitrises. Ce sont bien les zones grises qu’explore Nicolas d’Estienne d’Orves. Les arrangements avec la vérité, le cynisme de ceux qui ont profité sans vergogne des différentes situations auxquelles ils ont été confrontés. Le milieu de l’édition n’est pas épargné et certaines oreilles ont dû beaucoup siffler à la lecture de quelques passages (l’épisode de la réception dans les jardins de Gallimard où se pressent des plumes qui n’ont pas toujours été du côté des vainqueurs est absolument savoureux). Il parvient à montrer à la fois la facilité avec laquelle certains ont tourné la page (et casaque) et la difficulté de faire toute la lumière sur ces temps dont le trouble perdure, parfois volontairement. Je me suis régalée. J’ai apprécié le parti-pris de l’auteur qui n’hésite pas à montrer ce que l’on préfère taire en général. Loin des héros célébrés ou des salauds vilipendés, on est ici au plus proche de l’opportuniste ou du collabo passif rendu compréhensible par une bonne dose de romanesque et un fil narratif qui ne s’interdit rien. Salutaire ! Retrouvez Nicole G. sur son blog |
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