Le cadran Lunaire
Illustration Brigitte Lannaud Levy
Son nom très poétique est un hommage au roman éponyme de l’écrivain surréaliste André Pieyre de Mandiargues. Ouverte en 1977 par une militante féministe, « Le cadran lunaire » s’est créé autour de deux grands pôles : la littérature et la jeunesse. Il y a 22 ans, Jean Marc Brunier qui nous accueille aujourd’hui l’a repris avec la volonté de faire perdurer l’esprit des lieux, celui d’un plaisir partagé autour de la fiction où l’imaginaire s’exprime. La librairie cultive volontairement une forme d’indépendance vis-à-vis du monde de l’édition en défendant des auteurs plus confidentiels dans l’idée de les accompagner de l’ombre à la lumière. « Savoir reconnaître les talents émergents, c’est tout le sel de notre métier. Être libraire c’est bien plus qu’être un passeur, c’est aussi être découvreur ».
Quel roman nous recommandez-vous en cette rentrée littéraire ?
« Nos vies » de Marie Hélène Lafon (Buchet Chastel). Ici, on suit cet auteur depuis longtemps et on l’invite très régulièrement. Elle écrit de façon ciselée des livres très profonds sur une forme de ruralité. Dans son dernier roman, l’héroïne est une caissière de Franprix à Paris. Autour d’elle on croise une galerie de personnages, une mosaïque de caractères formidablement saisis dans un style serré d’une grande beauté.
Du côté des étrangers, que nous recommandez-vous ?
«La salle de bal» de Anna Hope (Gallimard). Après « Le chagrin des vivants » elle nous propose un roman qui se situe en 1911 dans le Yorkshire, dans un asile d’aliénés. Nous sommes au début des recherches sur l’eugénisme où on enfermait très facilement les gens. Une jeune femme, internée pour une broutille, va vivre une histoire d’amour qui se noue dans une salle de bal de l’hôpital utilisée comme lieu de thérapie. C’est une réflexion très profonde sur l’époque, adossée à une réalité historique méconnue et passionnante.
Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement plu ?
« Neverland » de Timothée de Fombelle (L’Iconoclaste). Cet auteur pour la jeunesse nous propose un texte où il nous raconte comment il s’est construit en faisant un retour sur l’enchantement de son enfance. On voit comment son caractère s’est formé pour écrire des histoires où le merveilleux domine. Un bel l’éloge de la fiction.
Quel a été selon vous le grand livre de l’été 2017 ?
Le dernier roman d’Antoine Choplin, « Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar » (La Fosse aux ours), est tout en subtilité et en sensibilité. C’est l’histoire d’un cheminot qui rencontre Vaclav Havel avant qu’il soit connu. Ce dernier va le révéler à lui même et lui ouvrir les yeux sur l’engagement politique, mais aussi sur l’art. C’est une belle histoire d’amitié que je continue de recommander chaudement.
À qui donneriez-vous le prix Goncourt ?
Bien évidemment Marie Hélène Lafon serait une formidable lauréate à mes yeux. Mais je pense que « Un certain M. Piekielny» de François-Henri Désérable (Gallimard) est un beau roman de formation autour de la figure de Romain Gary. L’honorer du Goncourt serait épatant, mais lui donner celui des lycéens serait parfait aussi.
Quel est le livre le plus emblématique que vous défendez depuis toujours avec ferveur ?
« Train de nuit pour Lisbonne » Pascal Mercier (10X18). Un professeur de faculté en Allemagne sauve par hasard sur un pont une femme portugaise prête à se suicider. Elle disparaît, il se rend chez un ami bouquiniste et découvre le livre d’un médecin portugais. Sa vie bascule, il part pour Lisbonne pour en savoir plus sur cet auteur. Ce texte se lit à plusieurs niveaux. C’est un roman introspectif sur l’amour, la fidélité, l’engagement. Le lecteur se met à réfléchir avec un effet miroir permanent au fil de la lecture. Il y a une sorte d’envoûtement, de fascination qui s’exerce. Les gens après l’avoir lu, l’offrent à tous leurs amis
Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
« Ulysse » de James Joyce. Il faudrait idéalement le lire en anglais, mais je m’en sens totalement incapable.
Une brève de librairie
Une des choses les plus fortes qui me soit arrivée : c’est un vieux monsieur érudit qui arrivait au bout de sa vie. On parlait de l’imminence pour lui de la mort et de cette grande question d’un après ou pas. Je lui ai conseillé de lire « Si c’est un homme » de Primo Levi, qui est un livre immense sur la puissance de la mort. Il revient deux jours après et s’exclame « Dire que j’aurais pu mourir sans l’avoir lu ». Cet émouvant souvenir illustre toute la modestie, l’humilité que l’on doit avoir face au monde des livres si vaste, on n’en a jamais fini. Et c’est aussi un bel exemple de reconnaissance, ce vieil homme a tenu à me remercier et c’est très émouvant.
Propos recueillis Par Brigitte Lannaud Levy
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