Antoine et Lila forment un jeune couple. Un heureux événement se prépare : Lila est enceinte. Mais celui-ci est suivi d’un autre qui l’est beaucoup moins : Antoine est appelé pour l’Algérie.
Dès le départ Antoine ne souhaite pas tenir une arme. Aussi est-il affecté comme infirmier dans l’hôpital militaire de Sidi-Bel-Abbès.
A travers ses yeux, on découvre cette drôle de guerre, le quotidien des soignants qui n’en sont pas moins des militaires et qui sont confrontés à des situations de danger et d’horreur, à des soldats blessés dont la vie et les projets d’avenir sont brisés mais qu’il faut soigner et aider psychologiquement. Antoine essaye par tous les moyens de trouver un sens à sa présence là-bas. Il fait de son mieux pour être attentionné lors des soins qu’il prodigue aux blessés.
« Antoine n’a entre les mains que des corps sains, jeunes et beaux, des forces vives arrêtées en pleine gloire, détournées, et c’est ce drame de la beauté meurtrie qui le saisit et commence à le ronger. »
« Il dort, on ne peut pas dire tranquillement, mais sans doute pour oublier qu’il a sur les épaules beaucoup plus de choses qu’il ne peut en supporter. Et que la guerre à laquelle il va se livrer est comme l’histoire qui se défait, une colonie qui se délivre, une cause perdue d’avance, même si personne, au milieu de l’année 1960, n’accepte de voir les choses ainsi . »
« On ne devine pas la violence des affrontements. Seuls les soldats alités racontent l’histoire en train de s’accomplir, celle d’un peuple qui entre en collision avec un autre peuple, parfois peau contre peau. Et les membres broyés, les visages effarés, les souffles courts, sont l’unique preuve de la guerre invisible. »
Dans cette galère Antoine est malgré tout un privilégié puisque Lila, enceinte de trois mois, décide de le rejoindre, ce qui lui permet d’avoir une vie de famille avec l’espoir d’une vie qui arrive. Le contraste est frappant entre sa vie de famille hors de l’hôpital militaire et son travail où il est confronté à la mort des patients qu’il soigne.
Et puis, il y a Oscar qui est ,à mon avis, le personnage le plus important après Antoine. Hospitalisé à l’hôpital militaire, il est amputé d’une jambe, muet, renfermé sur lui-même depuis cette nuit dans la forêt où il lui est arrivé quelque chose de terrible. Antoine passe beaucoup de temps à son chevet. Antoine tient grâce à lui. C’est sa raison d’être ici, le défi qui donne un sens au merdier dans lequel il se trouve.
Car cette guerre est aussi une sale guerre. Il est plus facile de taire, d’omettre, et finalement d’ignorer le plus difficile, le plus incompréhensible, le plus choquant, pour s’épargner soi-même, pour ne pas s’isoler un peu plus face à des gens qui ne veulent pas entendre.
Brigitte Giraud s’est inspirée de la vie de ses parents pour parler de cette guerre d’Algérie. Son père, c’est Antoine. Sa mère, Lila. Elle-même est née à Sidi-Bel-Abbès en 1960.
Son roman est un moyen de nous faire prendre conscience de l’atrocité d’une guerre, quels que soient les belligérants engagés. Le rôle de l’armée française et le comportement de certains appelés amènent réflexion. Qu’aurais-je fait ? Aurais-je tiré ? ….
Malgré quelques longueurs, la gravité du sujet et l’empathie envers les personnages principaux gardent le lecteur en haleine et rendent ce roman captivant jusqu’au bout.