« Laisser échapper son cerf-volant. Inviter les mésanges à dîner. Recevoir une carte d’anniversaire. Partager un moment précieux. » Tour à tour joies immenses ou infimes tristesses, les émotions dessinées par Martine Delerm se racontent au présent… Même si les verbes, à l’infinitif, révèlent l’intemporalité du moment. L’héroïne, c’est une petite fille, sans âge et sans prénom, aux cheveux bruns ou châtains, longs ou courts, qu’importe : elle représente l’enfance, dans toute sa dissemblance. Chaque double page de l’album représente une émotion, jamais nommée : à l’enfant de la découvrir, de la faire sienne, au point de ressentir cette impression de déjà-vu, bien familière. En toute hâte, les émotions passent, mais leur caractère bouleversant leur donne une touche singulière et précieuse. Aucun jugement ici, rien que de la poésie ; pas de fin véritable, juste un clin d’œil à la différence et à la tolérance : l’auteure suggère, au lieu d’énoncer.
Page après page, les illustrations à l’aquarelle et aux couleurs pastel plongent le lecteur dans un univers empreint de douceur et de nostalgie, affirmant davantage encore le côté éphémère de l’émotion. Un détail, mais de taille : l’enfant dessinée ne possède pas de bouche, peut-être pour laisser le lecteur imaginer lui-même ce qu’elle ressent, et ne pas s’attarder sur les émotions négatives ou positives, puisque dans la langue de l’auteure, tout semble valoir la peine d’être vécu. À l’instar d’une pêche à la ligne, Martine Delerm capture des instants privilégiés de l’enfance, qu’elle enferme pour les observer, s’en émerveiller encore, une fois le livre refermé.