J’étais très curieuse de lire ce roman qui avait retenu l’attention de mon libraire et dont j’avais entendu parler en termes très élogieux par une journaliste de France Inter. Il s’agit du quatrième roman d’un jeune auteur de vingt-six ans actuellement en résidence dans la prestigieuse Villa Médicis de Rome où, j’imagine, il compose son cinquième roman. Il a vécu une enfance parisienne dans le 19e arrondissement de Paris, seul avec sa mère.
Peut-être y a-t-il un peu de lui dans le personnage d’Issa qui vit dans une barre du même quartier avec sa mère. En ce mois de juin, celui-ci apprend qu’il est recalé au bac. Sa mère, Fatumata, femme de ménage d’origine malienne, est furieuse, elle crie, donne des coups. Issa ne proteste pas, il se terre dans sa chambre. Son ami Elie aussi a raté. Tous deux sont « citoyens de la Zone. Dernier îlot populaire d’un Paris désormais trop cher pour les gens nés dans le tiroir du bas. Dernière petite tache de pourriture sur la carte de la capitale, en haut, à droite. Même lavée, standardisée, sécurisée, embourgeoisée, starbuckisée, la ville se doit de conserver quelques bactéries dans son estomac.» Elie est le seul ami d’Issa. Il est arrivé plus tard dans la cité, il a eu une autre vie avant, il connaît autre chose mais Issa ne sait pas vraiment quoi. En tout cas, c’est l’été et Elie propose à Issa un truc impensable : quitter la Zone, le territoire où « on involue. On rêve vers le bas.», échapper au carcan familial pour… aller à la piscine. Issa résiste : il a de mauvais souvenirs de ce lieu où l’on doit exhiber son corps, c’est d’ailleurs en séchant les cours de piscine qu’il a fini par ne plus mettre un pied en maths ou en français. Mais bon, Elie a l’argument qui touche : il y aura des filles. Métaphore de la société, la piscine est un lieu où il faut se plier à des codes, des lois qu’un enfant de la Zone ne possède pas forcément et auxquels il va devoir se soumettre pour être accepté. Y parviendra-t-il ? Quel sera le rôle de l’ami dans cette aventure en lieu inconnu ?
Ce roman est l’évocation d’une renaissance, d’une métamorphose : Issa, l’adolescent mal à l’aise dans la société où il vit, apprendra à aimer son corps, à se sentir bien dans l’eau libératrice, à regarder autour de lui, à considérer le monde autrement. C’est aussi un éveil à la sensualité, au désir, à la sexualité. Mais surtout, Nage libre exprime avec beaucoup de beauté et de sensibilité une histoire d’amitié forte et belle dans un monde dur, plein de haine et de misère, où la religion sépare les êtres, les enferme et les rend malheureux.
La phrase, pleine de poésie, est courte, acérée, rythmée, elle est le souffle puissant, presque lyrique, de garçons en fuite qui cherchent à échapper au ghetto parce qu’ils refusent d’y faire leur vie. Une ode à la jeunesse, à la liberté et à l’amitié. Une belle découverte.
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