Le poète, sa sœur et le romancier
Bruno Pellegrino

Editions Zoé
janvier 2018
221 p.  17 €
ebook avec DRM 9,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Le miracle du quotidien

Connaissez-vous le grand poète suisse Gustave Roud ? Si comme moi, vous ignorez tout de ce polygraphe discret, je vous assure qu’après la lecture du livre de Bruno Pellegrino, vous serez curieux de découvrir sa poésie, aussi enchanteresse que ce roman focalisé sur les dernières années de la vie de Gustave Roud et de sa sœur Madeleine, entre 1962 et 1972.

Une vie à deux

Le couple fraternel de Gustave et Madeleine Roud fait corps avec la maison du canton de Vaud héritée des grands-parents, où ces deux derniers gardiens du temple familial ont passé leur vie. C’est un rituel ; tous les matins, Gustave Roud s’occupe du jardin, en véritable amoureux des plantes, avant de s’asseoir à son bureau ou d’aller marcher, l’appareil photo en bandoulière. Quant à Madeleine, elle n’est pas simplement la sœur de l’écrivain solitaire et casanier ; instruite, intéressée par la conquête spatiale (c’est l’époque du premier pas sur la Lune), elle tient la maison devenue trop grande pour deux, cuisine, s’occupe du linge et des chats, récolte le miel, fume le cigare, et protège son frère des rumeurs sur son homosexualité supposée. Discrète, paisible et routinière est cette vie commune qui se resserre avec la vieillesse, les habitudes immuables et l’éternel recommencement du même.

Deux vies minuscules, une œuvre majuscule

Une troisième présence réussit à se glisser entre le frère et la sœur, celle de l’auteur qui prend en charge cette biographie romanesque, comblant les vides, les blancs et l’oubli, toujours conscient de la distance qui les sépare : « J’écris sur des gens qui étaient capables de nommer les choses, les fleurs et les bêtes, alors que j’ai besoin d’une application sur mon téléphone qui identifie les oiseaux par leur chant, les plantes par la forme de leurs feuilles. C’est peut-être ce qui me fascine, chez ces deux-là, leur manière lente et savante d’éprouver l’épaisseur des jours ». Bruno Pellegrino nous transmet sa fascination, saisissant avec délicatesse le passage du temps, des souvenirs, décrivant les gestes familiers dans des scènes de genre, la confection d’une tarte, la recherche du mot juste ou du meilleur angle de prise de vue. Tout à coup, le quotidien semble un petit miracle, l’espace de deux vies qui se soutiennent comme des tuteurs sur lesquels s’appuie un auteur attachant, soucieux du détail et de la belle écriture.

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coup de coeur

Là-bas août est un mois d’automne de Bruno Pellegrino est un coup de coeur de la librairie Dialogues à Brest

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