Il y a l’art et la manière de commencer une histoire, mais aussi de la terminer : Thierry Dedieu maîtrise les deux. Sous forme de fable amusante et absurde, il conte l’aventure du roi de Gallicie, un drôle d’éminent personnage imaginaire, à la fois curieux et paresseux. Curieux, puisqu’il exige qu’à chaque retour de pays lointain, les voyageurs lui rapportent une curiosité. Et il apprécie tellement leurs récits, qu’il ne se lasse pas de les écouter ; tant et si bien qu’il finit, lui aussi, par voyager. Bamboukistan, Gaambie, Bourastan… aucun pays n’est épargné. Paresseux, cependant, puisqu’il emporte avec lui une multitude d’objets du quotidien, venus de son royaume, que ses sujets transportent sans jamais s’arrêter : lit, pantoufles, épices, et puis bientôt bibliothèque, jardinier, arbustes. Ce roi capricieux se plaint tout à tour du froid, de la faim, du manque de confort, des coups de soleil, qu’il compense finalement en décidant d’emporter avec lui son royaume tout entier, entraînant ses sujets dans un projet rocambolesque et effréné.
En peu de mots, Dedieu dresse le portrait d’un roi égoïste et autoritaire, qui, aux yeux du lecteur se couvre de ridicule à mesure de l’avancée de son projet. Les illustrations, sous forme de collages et qui représentent un protagoniste rouge sang, confirment la satire sur le désir de puissance et la folie du pouvoir. Ainsi, à la fin de l’album, l’auteur nous donne l’impression d’une histoire infinie, puisque ne pouvant plus se déplacer à cause de la lenteur de ses sujets qui portent son royaume tout entier, il décide d’écouter les récits des voyageurs assis sur son trône… Et si la moralité est facile à deviner – le caprice des puissants – une autre se dessine en filigrane du récit : une catégorie de voyageurs qui ne savent pas s’adapter aux pays qu’ils visitent, et pour lesquels le mot « voyage » devrait rimer avec « confort » et non avec « effort »…