Jean Berthier écrit en maître. Ouvrir 1144 livres, c’est pénétrer dans une citadelle qui n’a de limites que l’horizon que l’on s’impose. Ce n’est pas un roman, ni un récit, c’est un livre rare, aux enluminures invisibles que le lecteur devine d’or. Ce chef d’œuvre puisque c’est de cela qu’il s’agit est plus que magnifique, il est bouleversant de noblesse verbale. On lit du transcendantal, de l’intime. Sans pathos, avec cette délivrance qui couronne les purs. Cette histoire plausible est un hymne à la rédemption. Le narrateur reçoit une lettre, pas n’importe laquelle. Une lettre qui va bousculer sa vie, ouvrir la voie au fond de lui-même. Comment décrire l’histoire sans mettre des taches d’encre partout ? Dénaturer cette écriture solaire, en posant à plat le mot mère, abandon, bibliothèque, don. Ne rien dire de ce qui va se passer. La force est dans le silence des mots, si existentiels. Jean Berthier est doué. Il vit le mot, le sens, la profondeur des sentiments. Cet hymne aux mères, qui sont trois, aux livres, est le mystère de la profondeur du puits qui se cache dans le désert livresque. Tout est sublime. C’est un premier roman dites –vous ? Mais il est né depuis la nuit des temps. Sa maturité est telle qu’elle en foudroie le lecteur. « Nul n’entre dans une bibliothèque s’il n’a pas été saisi d’effroi ; nul n’y demeure s’il n’a laissé au-dehors les illusions du monde ; mais nul n’en sort car elle émet plus de lumière que les ténèbres extérieures. » « Ces prés, ces fleurs, je les ai foulés aussi, j’ignorais seulement qu’il y avait une bibliothèque au bas de la pente et que, l’âge venant, j’allais m’y précipiter. Que serais-je devenu si, au lieu de me léguer les livres d’une vie, cette mère m’avait laissé, petit bonhomme, marchant à ses côtés. » Le lecteur saisit à pleines brassées ce vestige. Il ouvre les cartons un à un, cherche les signes du passé, en filigrane dans chaque découverte. Il devient l’ombre du narrateur, de cette mère, fantôme égaré. Cette histoire est puissante, magistrale, digne, sincère et pure. Elle contient toutes les semences pour renaître à la vie. Publié par Les Editions Robert Laffont, collection Les passe-murailles, ce livre inoubliable contient à lui seul 1144 livres. A lire d’urgence.