Je viens de terminer le livre lorsque j’ai entendu la terrible nouvelle. La secte intégriste avait fait un grand nombre de victimes au Nigéria. Triste actualité et triste rappel du bouquin.
Dantala vit au nord du Nigeria. Il est revenu à Bayan Kayi après que son père l’eût envoyé dans une école coranique pendant six ans. Dantala signifie « né un mardi », ce n’est pas son vrai nom, mais un surnom donné par son père. L’ennui ou quelque chose d’autre, le pousse à suivre de jeunes désœuvrés, dans un pays où il n’y a plus rien, à fumer la wee-wee, sorte de cannabis. Le gouvernement profite de ces jeunes, les paient grassement, ou pas, pour faire les sales besognes, les coups de poings. “On n’est pas méchants. Quand on se bat, c’est parce qu’on n’a pas le choix. Quand on cambriole des petits magasins à Sabon Gari, c’est parce qu’on a faim, et quand quelqu’un meurt, eh bien, c’est la volonté d’Allah.”
.Dantala les accompagne, participe, jusqu’à l’assassinat sordide d’un vieil homme au moment des élections entre le Grand Parti et le Petit Parti, y perd son meilleur ami. Il fuit Bayan Layi et trouve refuge dans une mosquée de Sokoto. Repéré par l’iman salafiste modéré Malam Abdul-Nur, celui-ci lui propose de travailler avec lui. Ainsi débute la nouvelle vie d’Ahmed, vrai prénom de Dantala, qui se voit proposé une sorte de rédemption.
Petit-à-petit, Ahmed, curieux, vif et intelligent, s’instruit se développe, apprend, murit. Son plus grand plaisir est de chanter l’appel à la prière : « chanter ces mots peut me procurer la meilleure sensation du monde, une sensation qui chasse toute douleur, toute peur, toute inquiétude, tout désir ». Il est bien dans son nouvel état. Il murît, grandit
Dantala se découvre un nouvel ami en la personne de Jibril avec qui il apprend l’anglais. Ce même Jibril, doit obéissance à son frère ainé, Malam Abdul-Nur, un imam passé du côté des intégristes, enfin, surtout du côté où l’on donne plus d’argent et rejoint l’autre camp sans que leur amitié se coupe.
Dantala, lui, restera toujours fidèle à Malam Abdul-Nur dont il devient le second. Cet imam croit en l’homme, il accorde sa confiance, quelque fois, de plus en plus, mal placée. Ses propos modérés ne font plus recette, les subsides diminuent car les offrandes vont du côté de la secte, vous savez ceux qui prennent leurs ordres en Arabie Saoudite ou en Iran. Pourtant, les imams des différentes obédiences se réunissent, sont capable d’échanger… Malam Abdul-Nur prône l’accord, la non-violence, le partage, l’amour des autres… des concepts de moins en moins audibles alors qu’arrivent les attentats, massacres. Politiques, religion, police, corrompus, la main dans la main pour les coups fourrés, ne laissent plus de place à Malam Abdul-Nur qui aura la tête tranchée.
« Nos émirs et nos grands hommes sont cupides et ne s’intéressent ni à nous ni à notre religion. Ils prétendent seulement être musulmans et originaires du Nord, mais ils s’allient avec ceux qui nous oppriment. Pour eux, un parti infidèle qui accepte toute sorte de kouf est plus important que de défendre les musulmans et Allah ».
Ce livre, sorte de journal de bord de Dantala, montre la montée de l’intégrisme dans un pays, le Nigeria, où la violence me parait extrême. La montée du fanatisme est plus du fait des politiques, politicards corrompus, que de celle de la population extrêmement pauvre qui suit qui lui donne un peu à manger, un peu d’argent. C’est si facile d’acheter des gens miséreux.
Porte entrebâillée vers la découverte d’un pays, de la montée du religieux, plutôt de la religiosité, la quasi naissance de la secte Boko Haram avec son cortège d’exactions sanglantes. L’écriture rythmée d’Elnathan John les mots crus, directs, l’ambiance réaliste, dure, avec de très belles descriptions, font que je n’ai pu lâcher le livre avant la dernière phrase, le dernier mot. Un livre précieux, très bien écrit, qui ne se laisse pas facilement oublier. Histoire d’une vie au Nigeria, vivier où la secte recrute ses futurs membres sanguinaires ; qui a les armes et l’argent a le pouvoir.
Les Editions Métailié ont publié un superbe premier roman.
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