b i e n t Ô t
«Les soeurs de Fall River» de Sarah Schmidt , traduit de l’anglais par Mathilde Bach paraîtra le 7 mars aux Editions Rivages A la fin du 19e siècle, à Fall River (Massachussets), un couple sans histoires est retrouvé massacré à la hache dans sa propre maison. Rapidement, les soupçons se portent sur l’une des filles des Borden, Lizzie. Tour à tour, chaque protagoniste du drame prend la parole : la bonne, un témoin inconnu, Lizzie, sa sœur… Le roman devient alors une fascinante plongée dans les profondeurs de l’âme humaine et dans les secrets d’une famille. En voici le début: «Il saignait encore. J’ai crié: « Quelqu’un a tué Père. » Il y avait une odeur de pétrole dans l’air, un film visqueux sur mes dents. Le tic-tac de la pendule sur la cheminée qui résonnait dans la pièce. J’observais Père, ses mains cramponnées à ses cuisses, le petit anneau doré sur son doigt rose, brillant comme un soleil. Je le lui avais offert pour son anniversaire, car je m’en étais lassée « Papa, avais-je déclaré, je te donne cet anneau parce que je t’aime. » Il avait souri et déposé un baiser sur mon front. C’était il y a bien longtemps. J’ai regardé Père. Touché sa main en sang, combien de temps faut-il à un corps pour refroidir? et me suis penchée au-dessus de lui, cherchant son regard, guettant un clignement d’œil, un éclair de reconnaissance. Je me suis essuyé la main sur le visage, elle avait le goût du sang. Mon cœur battait au rythme d’un cauchemar, au galop, au galop et j’ai regardé Père à nouveau, suivi le cours de la rivière e sang qui dévalait le long de son cou et disparaissait dans le tissu de son costume. Sur la cheminée, la pendule tictaquait. Je suis sortie de la pièce, j’ai refermé la porte derrière moi et gagné l’escalier du service, doù j’ai appelé Bridget une seconde fois: « Vite! Quelqu’un a tué Père. » Je me suis passé la main sur la bouche, et léché les dents. Bridget est descendue traînant derrière elle une odeur de viande rassie. « Mademoiselle Lizzie, que… Il est dans le petit salon. » J’ai pointé mon doigt à travers les murs épais, sous les couches de papier peint. « Qui est-ce? » Le visage de Bridget, piquée par la confusion. « J’ai cru qu’il s’était blessé mais je n’étais pas sûre de la gravité du problème jusqu’au moment où je me suis approchée. » La chaleur à couper au couteau de l’été me montait au cou. Mes mains étaient engourdies de douleur. « Mad’moiselle Lizzie, vous m’faites peur. -Père est dans le petit salon. » Difficile d’en dire davantage. Bridget s’est précipitée de l’escalier de service vers la cuisine, je l’ai suivie. Elle a couru jusqu’à la porte du petit salon, posé la main sur la poignée, tourne-la, tourne-la. « Son visage a été découpé. » Une partie de moi avait envie de la pousser à l’intérieur, de la force à voir ce que j’avais découvert. Elle a éloigné la main de la poignée et s’est retournée, posant sur moi ses yeux de chouette. Un ruisseau de sueur perlait de sa temps à son col. »Comment ça? » a-t-elle demandé. »
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