Jean-Patrick Nkuba, un jeune Tutsi, est aussi rapide qu’un guépard et pourrait envisager de participer aux jeux olympiques. Oui mais… Il y a dix ans, il n’était qu’un adolescent qui se défoulait, et toute compétition d’envergure internationale restait un rêve inaccessible. Aujourd’hui, en ce printemps 1994, alors qu’il a des ailes et de l’entraînement, le gouvernement hutu ne le laissera pas représenter sa patrie. La haine a gangrené le pays, la terreur envahi les villages, et la faille entre les deux ethnies s’est creusée un peu plus profondément. La seule solution serait de se procurer un faux passeport, ce qui signifierait renier ses origines, sa famille, ses convictions.
Naomi Benaron, dont c’est le premier roman, est Américaine. Elle a la particularité d’être à la fois écrivain et marathonienne. Elle est tombée amoureuse du Rwanda en 2002 et a su d’emblée que, si elle écrivait un jour, ce serait sur lui. A côté du réel intérêt historique de son récit, on ne peut qu’admirer aussi sa force d’évocation. Sa peinture des paysages, d’abord, dont on sent qu’ils l’habitent, puis de la population qui en dix ans a vu des amis de toujours se transformer en ennemis à jamais. Elle analyse également, comme quelqu’un qui les connaît de l’intérieur, la souffrance et les tourments du sportif poussant son corps à ses extrêmes limites, jusqu’au jour où courir vite n’est plus un sport mais une affaire de survie. Naomi Benaron décrit enfin cette guerre civile de manière presque intimiste, et prouve que la fiction reste parfois la manière la plus percutante de raconter l’Histoire.