On connaissait Michel Richard pour ses éditos dans le Point, dont il est directeur délégué de la rédaction. Nous le découvrons aujourd’hui dans ce récit intimiste, personnel, touchant. Etre confronté à la mort, ou plus précisément au corps d’un mort, voilà quelle était sa hantise depuis toujours. Aussi longtemps qu’il l’a pu, il s’est dérobé. Et puis un jour, alors qu’il ne s’y attendait pas, il fut « piégé » par un ami auquel il rendait visite: lorsqu’il arriva à l’hôpital, celui-ci venait de mourir. Sa famille était là. Impossible de s’échapper, sous peine de passer pour lâche ou insensible. C’était, comme il le dit lui-même, son premier mort. Il avait près de soixante ans. Confronté à ce qu’il avait toujours redouté, réussissant à surmonter cette frayeur, Michel Richard peut enfin s’interroger sur l’origine de cette peur. Dans ce récit, il ne triche pas, cherche les mots les plus précis pour décrire ce qu’il ressent, pour traquer l’origine de son angoisse. Inévitablement il se tourne vers son enfance marquée par la mort de son père alors qu’il n’a que quinze mois. Commence alors une digression sur cette absence, sur ce vide de père autour duquel il a grandi, puis s’est construit. Il se rend compte que son sujet lui échappe et c’est justement la force et l’intérêt de ce texte: voir l’auteur se faire voler son sujet par sa propre histoire. Cela aurait pu être narcissique, psychanalytiquement barbant ou larmoyant; c’est au contraire concis, sobre, élégant et subtile.