Au lieu de casser des codes, French Pulp a décidé de demander à des auteurs contemporains de les redynamiser, de les moderniser. Le cahier des charges est clairement identifié en préambule du roman : garder le personnage des années 50 mais le placer dans le monde moderne avec les préoccupations provoquées par ce monde moderne ; garder l’esprit de Léo Mallet, le ton de Nestor Burma, les personnages secondaires aux premiers rangs desquels sa secrétaire et le commissaire Faroux incarné par sa fille, Stéphanie, à la tête du 36 quai des Orfèvres ; poursuivre l’exploration des quartiers parisiens.
Serguei Dounovetz ouvre le bal de belle manière dans le XX° arrondissement de la capitale.
On retrouve ici un Nestor Burma qui fait feu de tout bois et un Serguei Dounovetz au diapason : jeux de mots, sens de la répartie et du rythme, récit mené tambour battant… L’auteur ne laisse aucun répit au lecteur, le tout sur fond de lutte entre turcs et kurdes, de manigances d’espions et de meurtres d’opposants kurdes. Sac de nœuds et sac de vipères, Nestor Burma patauge, brinquebalé de fausses pistes en chausse-trappes géopolitiques, de manipulations en erreurs d’interprétation. Le scandale sexuel était-il nécessaire ? Au moins n’est-il pas qu’un prétexte et ne sert-il pas à l’auteur à nous noyer sous des délires scabreux détaillés et illégitimes.
Nestor Burma est égal à lui-même : homme à femmes, bretteur, rhéteur, futé plus qu’intelligent, opportuniste ou chanceux, bonne pâte mais jusqu’à un certain point (faut pas pousser Nestor dans les orties !), hargneux et ne lâchant jamais l’os qu’il se met à ronger, dur sur l’homme et tendre sur la femme mais sans concession ni pour l’un ni pour l’autre…
Serguei Dounovetz se pique de quelques clins d’œil dont celui d’affubler un membre de la DGSE du patronyme d’Yves Marchand ! Forcer est de constater que tout ceci tient admirablement bien la route : forme et fond s’associent pour un hommage bien troussé, bien mené et qui met l’eau à la bouche pour la suite des aventures moderne de notre privé français préféré.
On se prend à vouloir arpenter avec lui les mêmes trottoirs, les mêmes rades, les mêmes ruelles sombres, à suivre les mêmes suspects, à admirer les mêmes plastiques, à dérouiller les mêmes salauds, à venger les mêmes veuves et à sauver les mêmes orphelins parce que Nestor Burma reste avant tout cet homme un peu paumé mais pétri d’humanisme qui lésine allègrement avec la légalité mais jamais avec la sa morale.
Une lecture fort réjouissante, divertissante, rafraîchissante et intelligente, et c’est déjà beaucoup !