illustration Brigitte Lannaud Levy
Sur la scène du monde des lettres, elle est passée du côté cour au côté jardin. Après avoir exercé le métier de représentante pour un grand groupe d’édition parisien, Hélène Barroux est devenue libraire en août 2010 sur la place du marché à Noisy-Le-Grand. Et c’était un sacré pari que d’ouvrir une enseigne dans cette ville de 65.000 habitants où il n’existait pas de librairie indépendante et dotée qui plus est d’une Fnac. Pour oser passer le périphérique et s’installer dans le 93, elle s’est adossée – tout en restant indépendante – aux librairies « Folies d’encre » dont le génial et visionnaire créateur Jean–Marie Ozanne avait fait le pari avec succès en 1981 d’ouvrir à Montreuil la première du nom dans un département sinistré avec un taux de couverture de librairie le plus faible de France. «Eh oui, on lit à Noisy, contrairement aux idées reçues» s’exclame Hélène Barroux avec un éclat de rire dans la voix. Depuis deux ans, le festival de spectacles de rue « Chemins de traverse » s’est même doté d’un prix littéraire dont « Folies d’encre » est partenaire.
Quel roman nous conseillez-vous ?
« Sigma » de Julia Deck (Minuit), une histoire d’espionnage dans le monde de l’art. Un texte parodique, aussi intelligent que drôle. Comme la délicieuse Julia Deck que nous avons eu la chance de recevoir à la librairie.
Et du côté des étrangers, que nous recommandez-vous ?
« 4 3 2 1 » de Paul Auster (Actes Sud). Pour le plaisir de retrouver cet immense écrivain américain dans ce qu’il fait de mieux, nous raconter des histoires. Celle-ci est hyper originale. L’idée géniale d’un personnage à qui l’auteur fait vivre plusieurs vies. Auster à son meilleur.
Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marquée ?
« Vera » de Karl Geary ( Rivages ). Une love story terrible à la Ken Loach entre une femme de trente ans et un jeune garçon de 16 ans qui ne sont pas du même milieu social. C’est le premier roman d’un ancien acteur irlandais devenu écrivain .
Le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
Je vais remonter dans le temps. J’ai été éblouie par « Rosa Candida » de l’Islandaise Audur Ava Olafsdottir. (Zulma) Cela a été notre premier grand coup de cœur quand on a ouvert en 2010. Et on a fait des ventes-records de ce titre. C’est un road trip initiatique très touchant sur la paternité, à la recherche d’une roseraie unique. Un livre très positif qui fait un bien fou. Quand on a fêté les cinq ans de la librairie, les éditions Zulma se sont associées à nous autour du phénoménal succès de ce roman chez nous. Une grande fierté.
Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
Je vais conjuguer votre question au passé. Un jour on m’a demandé si nous avions « La route de tous les dangers » de Kris Nelscott. Je ne connaissais pas et j’ai découvert que ce livre policier était épuisé. La personne déçue m‘a répondu, « c’est dingue, c’est génial ». Puis d’autres bons lecteurs me l’ont demandé. Jusqu’au jour où les Éditions de L’Aube l’ont réédité. Je me suis jetée dessus, et effectivement c’était génial. Des polars sur fond de droits civiques aux États-Unis, juste avant la mort de Martin Luther King.
Une brève de librairie
Notre rôle de lien social est ce qu’il y a de plus important, notre métier c’est le contact. Quand nous avons fermé le premier été de notre ouverture pour les vacances, les gens ont repoussé la porte à la rentrée juste pour passer une tête, nous dire bonjour et à quel point ils étaient contents de nous retrouver. Ou bien après les attentats de Charlie, le souvenir des gens choqués qui venaient à la librairie pour juste être ensemble, parler, échanger, se soutenir. C’est aussi ça une librairie.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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93160 Noisy-Le-Grand
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