Ab esse ad posse valet, a posse ad esse non valet consequentia.
Je traduis ? Ah, vous n’aviez pas pris l’option latin au collège ou vous avez oublié toutes vos déclinaisons ? Bon, allez, pour une fois, j’accepte de m’y coller : alors, traduction (ou plutôt résumé) : « De la possibilité d’une chose, on ne doit pas conclure à son existence. »
Celui qui exprime ces sages paroles (et tant d’autres, en latin, s’il vous plaît) est loin d’être professeur au Collège de France, non, il s’appelle Pierre Timonier, il tient un bar et on les surnomme (lui et son bar) « Le Grand Sérieux ».
Il aime discuter de la marche du monde avec un certain inspecteur de la Brigade criminelle qu’il appelle « commissaire » : Philippe Andreani. Vingt-deux ans de carrière, une tonne d’enquêtes menées à bien, des dossiers bossés à fond. Bref, le flic parfait.
Sauf que, depuis peu, rien ne va plus pour Andreani : dans une affaire récente, il a sorti son flingue trop vite et a tiré sans sommation. Une sale histoire de dealer impliqué dans des affaires sordides et qu’il fallait impérativement coffrer, sinon, il repartait dans la nature. Faute professionnelle. C’est vrai qu’il a pris la mauvaise habitude des « raccourcis » ces derniers temps : faire ce qu’on a à faire, « simplifier la procédure » sans demander l’autorisation de Pierre ou de Paul, simplement parce que sa conscience lui dit qu’il faut agir et vite.
« Beatus homo qui invenit sapientiam… » lui lance Grand Sérieux en lui servant un verre de vin… accompagné d’une bonne leçon de bonheur via la sagesse.
Son chef, le commissaire divisionnaire Berthaud, est maintenant à deux doigts de le virer. En attendant, il l’a mis sur la touche et lui a collé sur le dos une psy qui doit juger de sa capacité à rester dans le métier.
Andreani n’est pas du genre à attendre gentiment qu’on ait fini de lui poser des questions. Il sait ce qu’il risque, mais impossible pour lui de ne pas dire ce qu’il a à dire. Quitte à se réfugier après dans l’alcool et le jazz, façon à lui de se vider la tête.
Bref, il est plutôt tendu en ce moment, notre Andreani. Tendu et désoeuvré puisque tant qu’on ne sait pas s’il est capable d’assumer son boulot, aucune affaire ne lui sera confiée.
C’est peut-être pour cela que, lorsque sa fille, Lisa, qui fait son service civique dans une maison de retraite lui raconte qu’un vieil homme sans numéro de sécu vient de mourir, ce petit détail retient toute son attention. Il passe voir le seul type au monde qu’il supporte et qui le supporte à peu près : son collègue Couturier. Est-il possible qu’en France, à notre époque, un homme puisse ne pas avoir de numéro de sécu ? Couturier trouve ça bizarre lui aussi. Il va soumettre cette question à « sa théorie du hasard et des phénomènes aléatoires » et quand il aura une réponse, il rappellera.
Pendant ce temps, Andreani file à la morgue et demande au légiste Legast (à l’humour à deux balles) de jeter un petit coup d’oeil sur le cadavre du vieux. Étrange, ce tatouage qu’il porte sur la nuque : « SO. 3-02. AB+ ».
Et c’est loin d’être la seule chose étrange que Legast va découvrir…
Ils sont deux derrière le pseudo Éric Todenne, deux auteurs : Éric Damien et Teresa Todenhoefer, pour mettre en scène un duo de choc comme on les aime : Philippe Andreani et Laurent Couturier, deux flics avec leurs manies, leurs trucs et leurs tocs, leurs sale caractère, leurs faiblesses et loin de se douter qu’ils mettent les pieds dans une sale, une très sale affaire qui va les propulser dans la guerre d’Algérie et la décolonisation. On les prévient, il vaut mieux renoncer.
Mais c’est ne pas les connaître…
Il n’y a plus qu’à souhaiter la bienvenue dans le monde du noir à Andreani et Couturier. On a déjà hâte de les retrouver !
Et puis, à la première occas’, je file au « Grand Sérieux » parce que je goûterais bien le carré d’agneau en croûte d’herbes et moutarde accompagné du petit Pauillac Lacoste Borie 2002… C’eût été parfait pour le WE de Pâques…
Primum vivere deinde philosophare…
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