illustration Brigitte Lannaud Lev
La poterne est la petite porte secrète et discrète des châteaux médiévaux qui permettait d’entrer ou de sortir à l’insu de tous. Si cette librairie berruyère offre une vaste vitrine rue Moyenne, c’est par le côté droit le long d’un passage caché que vous trouverez sa porte d’entrée, ou plutôt sa poterne. C’est en septembre 2016 qu’Emmanuel Desmarestz et Marion Defigier, libraires parisiens aguerris, ont jeté leur ancre à Bourges pour reprendre la librairie créée en 1984 par Jean Joly, passée ensuite entre les mains de son fils Yves, parti désormais à la retraite. Chez les Desmarestz, la librairie est aussi une histoire de famille. Puisque Jean-Marc, le papa d’Emmanuel avait créé : « L’arbre du voyageur » rue Mouffetard à Paris en 1980 et en avait confié la gérance à son fils en 2004, secondé par Marion sa compagne. L’envie de grand air et la soif d’ailleurs ont amené le jeune couple à vouloir mettre les voiles de la capitale. Après plusieurs mois à sillonner les routes de France, leur choix s’est arrêté sur cette librairie familiale, véritable institution de Bourges. C’est Marion Defigier qui nous reçoit aujourd’hui pour nous confier leurs derniers coups de cœur.
Quel roman nous conseillez-vous de lire ?
« Millesime 54 » d’Antoine Laurain (Flammarion). Un groupe hétéroclite de quatre personnes : un propriétaire bourgeois, une restauratrice de porcelaine, un jeune barman amoureux et un touriste américain vont partager et déguster une bouteille de Château Saint Antoine 1954 trouvée dans la cave de leur immeuble. Le lendemain, ils se retrouvent projetés à Paris en 1954. C’est un roman écrit avec beaucoup de fraîcheur et de délicatesse.
Et du côté des auteurs étrangers, que nous conseillez-vous de lire ?
« Les huit montagnes » de l’italien Paolo Cognetti (Stock). Il écrit avec la grâce et la profondeur d’un Mario Rigori Sterne. C’est une magnifique histoire d’amitié indélébile entre un enfant de la montagne Bruno et un garçon de la ville Pietro. Le père du second, fou de marche, emmène avec lui les deux jeunes copains et prend pour fils spirituel Bruno. Vingt ans plus tard, ce père a disparu et les deux amis se retrouvent là-haut dans la montagne. Un très beau roman initiatique, doublé d’une très forte histoire de filiation.
Un premier roman vous a -t-il particulièrement marquée ?
« Vies déposées » de Tom Louis Teboul (Seuil). L’odyssée de trois SDF autour d’une supérette à la Goutte d’or qui décident de devenir cambrioleurs. C’est d’une grande originalité et très bien écrit.
Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
« La conscience de Zeno » d’Italo Szvevo (Folio). Emmanuel et moi, adorons ce roman italien écrit à au début du 20e siècle et qui se situe à la fin du 19e, aux débuts de la psychanalyse. Zeno en suit une, et son psychanalyste lui a demandé de poser par écrit sa « conscience », pour avancer au mieux (il y a du travail!). Mais il a interrompu sa cure quand le roman commence, et c’est son psy qui décide de faire publier ses écrits pour tenter de se venger. Une époque, une satire sociale, dépeintes avec beaucoup d’intelligence et d’humour. De très belles pages sur le lien au père. D’autres très drôles sur la cigarette. Quant à l’histoire de son mariage!…. C’est vraiment jubilatoire!
Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
« Consuelo » de Georges Sand qui est un auteur emblématique de la région pour avoir vécu à Nohant près de Bourges.
Brève de librairie
Quelques semaines après notre arrivée, une cliente de La Poterne, institutrice à la retraite, qui s’occupe bénévolement d’une bibliothèque de village, est entrée dans la librairie et nous a embrassés, les yeux pétillants : »De nouveaux amis des livres!… Je vais alors avoir de nouveaux amis maintenant. » Elle est passionnante et passionnée de littérature, et nous avons beaucoup sympathisé depuis.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
Visiter d’autres librairies
Librairie La Poterne
1 rue Moyenne
18000 Bourges
02 48 65 09 65
