Tout le monde connaît ZEP, le père de Titeuf. Aussi, lorsque le dessinateur suisse abandonne son personnage fétiche pour se lancer dans la bande dessinée réaliste, il lui faut plusieurs tentatives pour renverser la tendance. Avec « The End », il fait mouche. Surfant la mode « nature et découverte », ZEP propose une histoire sous forme de parabole écologique dans laquelle il imagine une solution radicale face à notre surconsommation des ressources naturelles.
Un jeune stagiaire, Théodore, échoue dans un coin paisible de la septentrionale Suède. Là-bas, il retrouve le professeur Frawley. Outre son idolâtrie pour le groupe de rock The Doors, dont l’un des morceaux phares renvoie au titre de l’ouvrage, Frawley est à l’origine d’une théorie sur l’éternelle présence végétale. Le scientifique a décodé l’ADN d’une ancestrale feuille d’érable – conservée dans les glaces – pour en déduire l’existence d’un « Journal de la terre », qu’il a baptisé Codex arboris. Cette thèse farfelue ou incomprise lui a valu cet exil suédois. Selon Frawley, le « Codex arboris » aurait révélé la disparition des dinosaures, et semble prévenir d’un danger à venir.
Théodore s’intéresse de près aux recherches du professeur. Sa participation précédente au conflit autour de la ZAD imaginaire de Podilsky en Ukraine atteste de son engagement radical. Moon, sa collègue et amie l’accompagne jusqu’au bout de son combat. Les personnages antipathiques sont incarnés par les membres du laboratoire Pharmacop. Ironie du sort, bien qu’ils remplissent tous les critères dévolus aux « salopards » de service, ils ne sont pas responsables de l’issue finale. Pourtant, leurs méthodes passées et actuelles de rejet à l’air libre de quelque centaine de litres de produits toxiques, agissent directement sur la révolte des arbres.
Cette fiction sur le rapport entretenu par l’humain avec son environnement est intéressante. De façon assez crédible, ZEP pose la question de savoir si la nature peut réguler son milieu en procédant à une destruction programmée des êtres nuisibles, en ne conservant que la partie nécessaire à la survie de l’espèce. Sans parler de culpabilité personnelle, il nous invite à réfléchir avec simplicité sur notre relation à l’environnement, de façon individuelle et générale, davantage politique. Au niveau graphique, l’auteur propose un dessin académique. Seule la colorisation, tel un feuillage, change non pas en fonction des saisons, mais plutôt selon les séquences. Avec « The End », ZEP livre un récit d’anticipation original et bien documenté, aussi vrai que nature.