illustration Brigitte Lannaud Levy
À quelques pas de l’ancien Arsenal fondé par François 1er voici la Librairie Henri IV, sans doute l’une des plus anciennes librairies de Paris, construite en 1913. À l’époque il y avait deux boutiques et la vente des livres se faisait derrière un comptoir où un monsieur en blouse blanche venait prendre la commande. Les choses ont sans doute bien changé depuis dans la façon de vendre des ouvrages. En 1980, les deux espaces sont réunis, l’architecture intérieure est revue dans un esprit design avec de beaux jeux de miroirs. C’est en 2010 que David Cazals a repris l’enseigne. Sans en changer le nom, il la dote d’une signature très énergique : « Le canon à livres » et de l’identité visuelle qui l’illustre. C’est une amusante référence au célèbre Baron Münchhausen et aux festifs canons avec un bonhomme livre qui est propulsé comme un boulet de canon. « Ici ce que nous aimons faire, c’est répondre aux attentes bien sûr mais aussi nourrir les curiosités de chacun » nous confie David Cazals. Avec l’enthousiasme qui le caractérise il nous confie ses précieux conseils de lecture.
Quel est votre coup de cœur littéraire du moment ?
J’ai envie de vous parler d’un auteur roumain qui écrit en français, Panaït Israti et de son roman « Nerrantsoula » (Gallimard). Ce texte mêle les grands thèmes : l’amour, la mort, la vie et se déroule sur les rives du Danube où les gens vivent au rythme des catastrophes naturelles. La langue est savoureuse, ce livre est un éblouissement qui nous fait retomber en enfance.
Et du côté des auteurs étrangers ?
« Une mort qui en vaut la peine » de Donald Ray Pollock (Albin Michel). Un auteur qui possède l’art de la narration doté d’une grande distance humoristique. C’est l’histoire de trois jeunes frères aux Etats-Unis qui pour échapper à la misère et la faim se rêvent une destinée de braqueurs de banques. Ils sont sans méchanceté aucune, mais avec une cruauté certaine. On les suit, des dollars plein les poches, dans leur épopée qui ressemble aux films de Tarantino. C’est désopilant, picaresque, d’une profondeur noire. C’est une lecture très prenante.
Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez depuis toujours avec ferveur ?
« Le guide et la danseuse » de R.K. Narayan (Zulma). Une histoire d’amour entre le fils d’un pauvre commerçant rural qui devient guide culturel et une grande bourgeoise mariée à un homme aussi ennuyeux que riche. Si on est curieux de l’ailleurs, tout le monde peut le lire, ce roman est splendide. Je le conseille inlassablement.
Les vacances approchant, quels livres d’évasion nous conseillez-vous ?
Nous avons toute une sélection estivale de livres qui se déroulent au bord de la mer. Comme « Le locataire de l’été » de Charles Simmons (Phébus), un très beau roman d’apprentissage. Michaël se souvient de l’été de ses quinze ans, où ses parents en train de se séparer louent une cabane de vacances à une mère et sa fille. Entre les désirs croisés du jeune homme et de son père pour ces deux femmes, un drame va se nouer.
Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
Proust en entier. C’est fou ce que l’on accumule comme frustrations de lectures quand on est libraire.
Une brève de librairie
Un jour j’ai repéré un premier roman que j’ai beaucoup aimé chez un minuscule éditeur Yago. Je l’ai défendu avec cœur. L’auteur m’apprend que l’éditeur a mis la clé sous la porte et les livres destinés au pilon sont déposés à la librairie. Je suis bien l’un des seuls libraires à avoir eu ce livre qui s’intitule « Le bois des hommes ». Depuis l’auteur a fait un joli parcours et a signé son deuxième roman « Pirates » chez Gallimard. Il a reçu un très bon accueil public et critique. Il s’appelle Fabrice Loi. Je suis bien heureux d’avoir joué ainsi pleinement mon rôle de passeur.
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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La librairie Henri IV
15 boulevard Henri IV
Parie 75004