Hasard des lectures : tandis que je venais de terminer le dernier roman de Menegaux, les lignes suivantes me donnaient l’étrange impression de me replonger dans la même problématique : « Sous la pression, on pouvait être amené à tirer des conclusions hâtives. Les enquêteurs se formaient leur propre avis dès que les premières preuves apparaissaient et ensuite, leur opinion faite, il s’instaurait un processus inconscient pour en chercher la confirmation. Ils se mettaient des oeillères et ne recueillaient que les infos qui allaient dans le sens de leur hypothèse principale. » Celles et ceux qui auront lu Est-ce ainsi que les hommes jugent ? reconnaîtront le thème central du roman, à savoir que personne n’est à l’abri d’une erreur judiciaire tout simplement parce que la pression que subissent les policiers est telle qu’ils risquent à tout moment de suivre, tels des « chiens de chasse », la première piste qui se présente à eux, oubliant les axes secondaires et risquant de faire endosser la culpabilité à un innocent. Rien que ça !
Dans le roman qui nous occupe, William Wisting, policier expérimenté (31 ans de métier!) et reconnu pour ses compétences et son intégrité, est suspendu de ses fonctions : en effet, il est accusé d’avoir, dix-sept ans auparavant, fabriqué des preuves pour que soit arrêté un certain Rudolf Haglund, soupçonné d’avoir enlevé et assassiné une jeune fille nommée Cécilia Linde.
William Wisting a-t-il en effet succombé à la tentation de falsifier des preuves pour que celui dont il avait -et a toujours d’ailleurs- l’intime conviction qu’il était coupable se retrouve effectivement derrière les barreaux? Ce qui signifierait qu’un innocent est resté de nombreuses années en prison – fait gravissime !
Wisting clame son innocence. Dit-il la vérité, se ment-il à lui même ? Ou bien quelqu’un a-t-il intérêt à ce qu’il soit destitué, et si oui, pour quelle raison ?
En tout cas, il doit rendre sa carte de police tandis qu’une commission de révision réétudie sérieusement le cas Rudolf Haglund. Wisting doit maintenant se battre pour prouver son innocence, d’autant que l’opinion publique, via la presse, s’est déjà fait son opinion… Pas franchement agréable de voir son portrait à la une tous les matins… on a comme l’impression d’être mis au pilori !
Destitué et n’ayant donc plus accès aux anciens dossiers, Wisting ne peut mener l’enquête librement… Qu’à cela ne tienne ! Sa fille, Line, journaliste au Verdens Gang est là pour l’aider et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’a ni froid aux yeux ni les deux pieds dans le même sabot ! Elle couvre de son côté un autre meurtre mais se rendra disponible pour secourir son père dans la tourmente !
Un bon polar, bien rythmé (les chapitres sont courts), plein de rebondissements (plusieurs affaires sont mêlées), qui interroge sur les risques d’erreurs judiciaires auxquelles sont confrontés les policiers écrasés par une pression médiatique et hiérarchique intense les transformant en « chiens de chasse » prêts à tout pour faire inculper celui que leur instinct désigne comme coupable, au risque de ne pas étudier d’autres pistes et de passer à côté de la vérité.
Des analyses psychologiques fouillées rendent les personnages à la fois crédibles et attachants. Je les retrouverais d’ailleurs avec plaisir dans un prochain roman !
Beaucoup de suspense et de tension donc dans ce polar nordique où la météo plutôt frisquette de l’hiver norvégien crée une atmosphère comme on les aime… dans les livres !
Un très bon moment de lecture !
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