Elle était belle, non, plus que cela : superbe avec ses cheveux bruns et tout le monde se retournait sur son passage. C’est sa cousine, Vanessa Schneider qui a écrit « Tu t’appelais Maria Schneider »sur cette actrice française, un monstre du cinéma dans les années soixante-dix, décédée trop tôt, à 58 ans en 2011.
Vanessa écrit : « Ce livre est pour toi, Maria. Je ne sais pas si c’est le récit que tu aurais voulu, mais c’est le roman que j’ai voulu écrire. » Ainsi que ces paroles de toi : « J’ai eu une belle vie. » Puis :
« Tu as glissé sur cette phrase comme un doigt fatigué se promène sur une panne de velours avec un sourire doux et le regard envolé vers des souvenirs heureux. C’était quelques jours avant ta mort. » (p.7)
Dans cet ouvrage, Vanessa s’adresse à sa tante Maria, dans un récit émouvant, un livre qu’elles auraient aimé écrire ensemble mais le destin en a voulu autrement.
Maria était mal aimée de sa mère, elle gênait entre ses frères, mais elle a appris tout de même que son père était Daniel Gélin qui n’a pas pu la reconnaître car il était marié. Elle finit tout de même par le rencontrer et il l’emmène sur des plateaux de tournage où elle fait la connaissance de comédiens ainsi que de metteurs en scène ou de réalisateurs qui ne sont pas indifférents à son physique avantageux. C’est qu’elle est tellement belle !
Pendant ces années soixante-dix, toute jeune, elle commence à faire des figurations grâce à Alain Delon et elle va même vivre quelque temps chez Brigitte Bardot qui restera son amie jusqu’à la fin.
Mais voilà qu’à peine à l’âge de dix-neuf ans, Bernardo Bertolucci lui propose un rôle dans « Dernier Tango à Paris » avec l’immense séducteur Marlon Brando. Un film scandaleux à cette époque, qui va être lourd de conséquences pour Maria car elle va subir des insultes et se révéler une source d’humiliations pour elle. D’ailleurs le film (sorti en 1972, « ne passe pas la censure et se retrouve classé « interdit aux moins de 18 ans », un visa qui déchaîne la curiosité. Il devient immédiatement objet de scandale. » (p.60).
Il va rester un fardeau pour Maria durant toute sa vie, lui coller à la peau. Mais cela ne l’a pas empêchée de rester en contact avec Marlon, « ils n’avaient jamais rompu le fil » (on l’apprendra par surprise car personne ne le savait).
Vanessa Schneider rend un bel hommage à Maria dans un style épuré, des phrases courtes mais qui touchent. Elle nous fait part de toutes ses belles rencontres artistiques, elle le sex-symbol involontaire mais aussi de ses excès d’alcool, de drogue, de sa lente descente aux enfers.
Parmi ces rencontres, il est à remarquer celle qu’elle a eue avec Patti Smith dont l’auteure dit «
« Je ne connais pas particulièrement l’œuvre de Patti Smith, si ce n’est quelques morceaux devenus cultes et le sublime Just Kids qui raconte ces années-là. (…) Au détour d’une interview à propos de son dernier album Banga, je découvre qu’elle a composé pour toi un poème chanté, un adieu doux et mélancolique avec des riffs de guitare que tu aurais adorés. La chanson s’appelle Maria, simplement Maria. Patti Smith l’a écrite au lendemain de ta mort. » (p.190). Elles s’étaient rencontrées dans un restaurant où Patti était venue au-devant de Maria, tout intimidée devant tant d’honneur.
Vanessa, grand reporter et écrivaine à succès, avec toute cette énumération des personnages ayant connu Maria, reconnaît son destin tragique et son désir de retrouver l’amour d’un père. Cette « femme trop belle, punie pour ses audaces et ses mauvais choix » avait trouvé en la personne de Brigitte Bardot une amitié tellement fidèle que celle-ci avait tenu à prendre en charge tous les frais des obsèques – un beau geste d’une autre sex-symbol considérée elle aussi comme une femme-objet de désir, seulement jugée sur son physique.
C’est ainsi que Maria a sombré petit à petit, avec parfois quelques moments d’espoir, mais la fin est inéluctable avec la maladie qu’elle endure de façon héroïque.
Avec ce roman où les faits sont très précis, Vanessa nous offre un beau témoignage d’amour et d’admiration pour Maria – un beau récit sur une famille, sur une femme qui voulait rester libre de ses choix pendant ces années soixante-dix. Il y est également question d’événements politiques avec la gauche qui est en passe de prendre le pouvoir – la mort de Mao, Le Grand Timonier …
Encore un beau livre bien complet mais qui se lit très rapidement pour cette rentrée littéraire 2018.