La librairie de Saint Tropez
illustration Brigitte Lannaud Levy
Comment se résoudre à ce que la seule et unique librairie de Saint-Tropez puisse définitivement mettre la clé sous la porte ? L’argent qui coule à flots dans cet ancien petit village de pêcheurs de la Côte d’Azur semble n’y pouvoir rien changer. Peut-être même ceci explique-t-il cela. Les Pinçon-Charlot pourraient nous en dire plus, mais passons. Quand nous poussons la porte de la charmante Librairie de Saint-Tropez, Marie Coll nous accueille le cœur chaud, mais aussi très serré. Quatre ans à peine après l’ouverture de son enseigne, les difficultés financières s’accumulant et l’opération de levée de fonds sur internet ayant été infructueuse, son associée depuis le départ, Élodie Mazui, a dû quitter l’aventure. Aujourd’hui c’est une fermeture définitive qui semble se profiler à l’horizon. Et pourtant l’histoire avait bien commencé. Lectrice aussi compulsive que passionnée, c’est quand la librairie qui se trouvait sur le port a fermé, que Marie Coll s’est lancée. Elle a trouvé dans l’une des rares rues commerçantes à l’année du centre, un joli local sur deux étages et a obtenu de la Mairie de l’appeler « La librairie de Saint-Tropez » étant bien la seule et unique librairie de la ville. Très dynamiques, avec sa partenaire, elles organisent alors des « Apéro’Strophes », rencontres littéraires autour d’un verre en partenariat avec Le Café de la place des lices. Bannissant l’esprit de sérieux, ces rencontres se veulent avant tout conviviales et surtout pas intellos. Mais voilà, si les pouvoirs publics et les Tropéziens ne se mobilisent pas, il faudra mettre un triste point final à cette jolie histoire et oublier qu’il fut un temps où Saint-Tropez était un réel creuset culturel et artistique y accueillant entre autres artistes: Sagan, Greco, Picasso, Eluard… Sans librairie, ce ne sera plus tout à fait pareil. Rencontre avec Marie Coll, une libraire désemparée, mais toujours aussi combative et passionnée.
Quel roman avec-vous envie de nous faire découvrir en cette rentrée ?
« Quatre vingt dix secondes » de Daniel Picouly (Albin Michel). Ces 90 secondes sont le temps qu’il a fallu en 1902 au plus grand volcan de la Martinique pour carboniser 29333 âmes. Son récit est flamboyant, toutes ces tribulations humaines autour d’une catastrophe naturelle sont passionnantes. Picouly y révèle un fort attachement à sa terre. L’idée de donner la parole au volcan m’a touchée.
Et du côté de la littérature étrangère ?
« L’homme coquillage » de Asli Erdogan (Actes Sud). C’est le premier roman de cette auteure turque. Elle y raconte la rencontre entre une jeune chercheuse invitée pour un séminaire aux Antilles, et l’homme au coquillage, un être singulier qui va la sortir de sa zone de confiance. C’est un livre sur l’ouverture d’esprit, l’écologie, le plein d’amour. C’est très beau.
Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marqué ?
« D’un Sud à l’autre » de Jérôme Coll (Librinova). Nous portons le même nom, mais nous ne sommes pas parents, seulement amis. J’aime tellement son livre que je suis heureuse d’en parler. C’est l’histoire d’un jeune Malien à l’esprit cartésien, destiné à être officier dans l’administration publique. Au cours de la grande sécheresse en 1970 en Afrique, dans un camp de réfugiés il va faire la connaissance de trois jeunes filles peules abandonnées. Cette rencontre va le sortir de ses frontières intérieures, il va découvrir en lui des choses insoupçonnées.
Quel est le livre culte le plus emblématique de la Librairie ?
« L’autre Saint-Tropez » de Michel Goujon (Michel Lafon). Un ouvrage qui donne une autre vision de notre ville. Bien plus qu’un guide, c’est un bréviaire sentimental qui traduit bien l’esprit des lieux. Il permet de dépasser le cliché tenace du bling-bling. C’est un livre important et pas seulement parce que c’est le nôtre.
Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
Il y en a beaucoup, le métier de librairie ouvre tant d’appétits de lecture. J’espère quand même un jour arriver jusqu’au bout de « La montagne magique » de Thomas Mann. Un sommet.
Une brève de librairie ?
Souvent, les gens rentrent chez nous et nous demandent : « Vous vendez les livres à quel prix ? ». Comme on est à Saint-Tropez où les prix flambent, ils pensent que pour les livres ce sera pareil alors qu’ils sont protégés sur tout le territoire français par la loi sur le prix unique. Une autre anecdote, c’est aussi cette réflexion constante du type: « Sur Brigitte Bardot, vous n’avez que ça ? ».
Propos recueillis par Brigitte Lannaud Levy
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La Librairie de Saint-Tropez
22, rue Joseph Quaranta
83990 Saint-Tropez
04 89 99 37 33